Chine - Le business du faux travail cartonne
J’sais pas si vous savez, mais en Chine, des milliers de personnes paient quotidiennement pour s’asseoir dans un bureau et faire croire qu’elles bossent. C’est fou ça, de payer pour aller au bureau. Alors, non, pas pour travailler, non, non. Juste pour faire semblant, exactement comme n’importe quel créateur de contenu sur Internet (oui, je m’auto-clash).
C’est exactement ce qui cartonne en Chine actuellement, et ça en dit long sur notre rapport complètement pété au travail. Des entreprises facturent en ce moment même des chômeurs pour qu’ils viennent s’asseoir dans de faux bureaux et taper sur des claviers qui servent à rien. Hé oui, le capitalisme a fond la caisse !
Pour 30 à 50 yuan par jour (soit entre 4 et 7 dollars), vous avez droit à l’expérience complète : bureau individuel, Wi-Fi haut débit pour scroller sur TikTok, café à volonté et même un accès à la cantine. Tout ça pour maintenir l’illusion auprès de votre famille que vous êtes toujours un membre productif de la société. Ces “pretend-to-work companies” (littéralement “entreprises pour faire semblant de travailler”) explosent en visibilité sur Xiaohongshu, l’Instagram chinois, engrangeant des millions de vues. Les pubs promettent ainsi un environnement “authentique” où vous pouvez végéter de 10h à 17h sans avoir à pointer. Le rêve quoi.
Bon, là où ça devient vraiment dystopique, c’est quand on regarde un peu plus dans les détails. En effet, certaines boîtes poussent le délire jusqu’à assigner des tâches fictives et organiser des rondes de supervision. Par exemple, un acteur est payé pour jouer le superviseur chiant qui vient vérifier que vous faites bien semblant d’être occupé. C’est du meta-théâtre corporate, un inception du bullshit job. Y’a même un menu d’options premium digne d’un DLC… pour 50 yuan de plus, vous pouvez par exemple incarner un manager avec un somptueux bureau et ainsi prendre des selfies pour rassurer maman.
Et si vous avez envie de drama ? Et bien payez pour une simulation d’engueulade avec votre boss fictif. Franchement, à ce niveau, autant lancer “The Sims : Corporate Hell Edition”.
Prenons le cas de Zonghua, ex-financière qui illustre parfaitement cette folie. Épuisée par la pression de la finance, elle a démissionné en 2024 et depuis elle claque 400 yuan par mois (55 dollars) pour maintenir cette façade de femme active. Réveil à 7h, métro bondé, journée au “bureau”, retour à 19h. La routine classique, sauf que personne ne la paie et personne n’attend rien d’elle. “Au début j’allais à la bibliothèque, mais l’ambiance fait trop étudiant fauché. Là au moins, j’ai l’air d’avoir un vrai job”, confie-t-elle.
On dirait moi quand je prends un co-working à la journée…
Bref, c’est le contexte économique qui explique en partie ce délire. Les chiffres officiels de mars 2025 sont brutaux avec 16,5% de chômage chez les 16-24 ans (étudiants exclus), 7,2% pour les 25-29 ans. Et dans une société où perdre la face équivaut à un suicide social, et où les parents jugent leur progéniture à l’aune de leur fiche de paie, on pige vite pourquoi des gens préfèrent payer pour l’illusion plutôt qu’avouer la vérité.
Ce qui me tue quand même, c’est le niveau de gamification de l’imposture. On est dans un RPG grandeur nature version open space… Vous payez un abonnement mensuel, vous choisissez votre classe (employé lambda, manager, rebelle), et vous farmez de l’XP social en postant des photos LinkedIn depuis votre faux bureau. Et les quêtes quotidiennes sont dingues genre : “Tapez 50 lignes de Lorem Ipsum”, “Participez à 3 fausses réunions”, “Sirotez 5 cafés en regardant dans le vide”. Certains services proposent même des événements spéciaux : team building fictif, pot de départ simulé, ou ma préférée, l’option “burnout théâtral” où tous pouvez péter un câble sans conséquences.
Le patron d’une de ces entreprises défend même son business model : “On offre un espace de transition digne. Nos clients peuvent chercher un emploi sans subir le regard de la société.” Alors ouais, c’est cynique à mort, mais y’a une logique tordue puisque entre passer ses journées à mentir à sa famille et déprimer chez soi, ou maintenir une routine dans un environnement social, le choix se défend.
Même les réseaux sociaux chinois s’enflamment : “C’est quoi l’adresse ? J’ai la moitié de ma promo d’école de commerce qui serait intéressée.” ou encore “Cet argent pourrait servir à se former au lieu de nourrir l’illusion”… bref les débats font rage entre ceux qui y voient une béquille psychologique nécessaire et ceux qui dénoncent une fuite en avant pathétique.
Mais bon, si on est honnête, est ce que c’est vraiment si différent de nos bullshit jobs occidentaux ? Car combien d’entre nous passent leurs journées à brasser du vent dans des réunions qui servent à planifier d’autres réunions encore et encore ? Et combien d’entre vous font semblant d’être débordés en switchant frénétiquement entre Slack et des tableurs Excel à moitié vides ? La différence, c’est qu’en Chine, ils ont juste l’honnêteté de reconnaître la supercherie et d’en faire un bon gros business model ^^ ! Vive le communisme… lol.
Y’a même un côté zen dans l’absurdité car y’a pas de KPI impossibles, pas de manager passif-aggressif, pas de “on se fait un point synchro alignement stratégique à 17h59 ?”. Non, y’a juste nous, notre clavier, et 8 heures de temps libre pour contempler le vide existentiel du salariat moderne.
C’est de la méditation corporate.