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Korben, roi d’internet, logo bébé avec des lunettes en mode thug life

J’ai tout planté !

Alors je vous préviens tout de suite, ce sujet n’a aucun rapport avec la COP21 ni avec les écolos qui se font assigner à résidence ni avec les thèmes principaux de ce site . J’ai commencé la rédaction de cet article en hiver 2014, et maintenant que j’ai une année complète derrière moi, je prends le temps de le corriger et apporter une conclusion à cet article, qui j’espère vous intéressera.

Quand j’ai déménagé en 2014 dans une vraie maison avec un vrai jardin (pas super grand non plus), tout ce que je voulais, c’était de la pelouse et rien d’autre. Pas le temps ni l’envie de m’en occuper… Quelques fleurs et herbes aromatiques feraient l’affaire, mais surtout rien de plus…

Puis au détour d’un lien via Twitter, j’ai découvert une astuce qui consistait à faire tenir sur 1 mètre carré, un truc comme 64 plans de fraises grâce à un système de pyramides incas en palettes.

J’ai trouvé ça super astucieux et sérendipité oblige, j’ai continué à cliquer un peut partout et à découvrir des concepts passionnants de permaculture, jardins verticaux, aquaponie, cultures en intérieur ou sur le balcon et j’en passe…

La curiosité m’a piqué et j’ai creusé un peu le sujet, trouvant des tas de points communs avec des choses que je connais bien comme le hacking (au sens très large du terme), le Do It Yourself ou encore le logiciel libre.

Passionnant je vous dis…

Je me suis donc acheté quelques bouquins et avant même de déménager, j’ai potassé tout ça. La permaculture et sa philosophie m’ont bien plu, surtout l’aspect qui consiste à recréer un écosystème naturel et laisser la nature jouer son rôle en intervenant au minimum. Ça m’allait bien, car sur le plan théorique, je n’avais pas besoin de bêcher ni d’arroser tous les soirs et en ce qui concerne la récolte les livres me promettaient des fruits et des légumes résistants et goûteux.

J’insiste sur l’aspect temps… Car ayant à peine le temps de bouffer le midi, je ne voulais pas me lancer dans un truc qui me prendrait plus de 20 min par semaine en pleine saison. Et là, clairement, la permaculture, c’est peinard.

Intellectuellement, c’est aussi très riche, voire complexe surtout quand on est un gros noob comme moi sur le sujet. Mis à part le côté bidouille et le côté « c’est sympa, j’ai mes propres légumes« , j’ai aussi découvert (mais ça, ça remonte déjà à un peu plus loin) grâce à vous surtout, l’immense scandale qu’est le brevetage du vivant.

Pour ceux qui ne sont pas sensibilisés au problème, je vais essayer de vous expliquer rapidement le souci sans forcément entrer dans tous les détails, car c’est hyper complexe. Que les spécialistes du sujet me pardonnent certains raccourcis que je pourrai prendre.

En gros, en France et dans le monde, il y a une dizaine de semenciers qui sont de gros industriels tels que Limagrain ou Monsanto dont le business est de vendre des graines aux agriculteurs et aux magasins spécialisés dans la jardinerie. Seulement, il est très facile grâce à notre amie la nature de récupérer des graines d’une année sur l’autre, ou de faire des boutures et donc de contourner ces vendeurs de graines.

Pour remédier à cela, ils ont donc entrepris de modifier génétiquement certaines plantes pour qu’elles deviennent stériles. Ainsi, le jardinier ou l’agriculteur doit repasser à la caisse tous les ans. C’est en tout cas que ce que les petits semenciers nous expliquent. Limagrain nous explique dans ce document que leurs maïs ne sont pas stériles, mais que ceux qui sont hybridés sont moins vigoureux lorsqu’on en replante les graines.

Mis à part ces modifications génétiques destinées à verrouiller le marché, ils ont aussi mis au point des variétés de fruits et légumes qui satisfont non pas les consommateurs que nous sommes, mais les industriels qui nous les vendent (les supermarchés par exemple). On se retrouve alors avec des produits dans les étals qui ne mûrissent plus pour pouvoir rester plus longtemps en rayon et qui possèdent des gènes destinés à nous faire croire qu’ils sont mûrs, en les rendant beaux et appétissants.

Mais tout ceci n’est qu’une triste illusion. Vous trouvez une tomate bien rouge, bien grosse et vous vous dites « Miam ». Mais ce que la plupart des gens ignorent, c’est que cette tomate n’est en réalité pas mûre et que c’est son gène « couleur rouge » qui a été activé artificiellement. Résultat, elle est dure et sans goût. Mais peu importe, cette merde se vend. Ceux qui ont déjà goûté de véritables tomates du jardin savent que niveau goût, ça n’a rien à voir.

D’autres végétaux comme le soja sont aussi modifiés génétiquement pour résister à tout ce qui est pesticide. Résultat, des champs entiers au lieu d’être désherbés manuellement sont arrosés avec des produits abominables. Les mêmes produits utilisés entre autres par les Américains pour tuer des forêts entières au Vietnam et ainsi mettre à découvert l’ennemi.

Les populations déjà très pauvres qui avant travaillaient dans les champs pour désherber et qui ont été remplacés par un tracteur arroseur de pesticide subissent un premier drame économique. Mais aussi sanitaire, car ces produits s’infiltrent dans la terre et l’eau et ceux qui consomment leur récolte ou boivent l’eau absorbent directement ces produits tombent malades (cancer) ou donnent naissance à des enfants malades ou handicapés.

M’enfin c’est loin tout ça, et peut être que ça ne vous touche pas… N’empêche que le soja arrosé par ces pesticides arrive ensuite en Europe pour alimenter les bestiaux que nous mangeons tous ensuite. (Et qui chopent aussi tout un tas de maladies).

Sur le fond, je ne pense pas que les OGM soient dangereux pour la santé (sauf si vous considérez qu’avoir la diarrhée en permanence à force de manger des trucs pas mûrs est un gros un problème), par contre, tous les pesticides sont un véritable problème sanitaire mondial.

Pour en revenir aux semences, la bonne nouvelle c’est qu’il existe des tas de petits semenciers en France notamment qui tentent de survivre en vendant leurs graines. Des graines non modifiées artificiellement, qui sont le résultat de croisements génétiques classiques comme l’homme en fait depuis des milliers d’années.

Seulement, voilà… Les gros industriels du secteur ne l’entendent pas de cet avis et grâce à leurs lobbies, ils ont réussi à faire passer pas mal de lois il y a déjà plusieurs années pour verrouiller encore plus le marché.

Résultat, il existe en France un catalogue officiel des semences. Dedans on y trouve les semences libres et historiques (un peu notre équivalent des logiciels libres, mais pour les semences) et les semences inventées par notre club d’industriels. Les petits semenciers pourraient faire inscrire leurs variétés à ce catalogue officiel, mais l’inscription d’une semence coûte plusieurs milliers d’euros. Économiquement ce n’est donc pas possible pour ces petites sociétés.

Si elles devaient faire inscrire toutes leurs variétés dans ce catalogue, elles n’auraient plus qu’à mettre la clé sous la porte. Un exemple assez connu est celui de Kokopelli, un petit semencier attaqué en justice pour concurrence déloyale. En effet, Kokopelli vendait ses semences sans autorisations « officielles » de l’État. Et bien évidemment, Monsanto a gagné.

Résultat, les semenciers comme Kokopelli ne peuvent plus vendre leurs variétés… Et c’est là le drame, car c’est tout un pan de notre patrimoine génétique alimentaire qui disparaît. Des variétés anciennes, résistantes, ou tout simplement délicieuses et cultivées depuis des générations cessent d’exister. Et tout cela m’a légèrement agacé.

Alors plutôt que de regarder le train passer, j’ai décidé d’agir à mon niveau pour permettre à ce patrimoine génétique, à ce code source naturel si vous préférez, de perdurer. Et que moi qui suis un gros geek, pas forcément très manuel (malgré mon prénom ), ni un hippie de la nature, en viens à faire ça, c’est que j’estime que cette situation est trop grave, trop importante pour rester les bras croisés.

Alors pour résumer, si j’ai décidé de faire mon potager c’est :

  • Pour lutter à mon niveau contre cette disparition du patrimoine génétique
  • Par amusement, car la permaculture est une philosophie très riche avec un aspect « hacking » qui me branche bien
  • Parce que finalement, ça ne demande pas tant de boulot que ça (et parce que ça vide un peu la tête)
  • Et enfin parce que c’est quand même sympa de manger de vrais fruits et légumes

Voilà, en gros, mes raisons personnelles.

Maintenant la permaculture, c’est une philosophie de vie qui implique pas mal de choses et qui peut aller très loin, mais comme le sujet est vaste, qu’en plus j’ ai un petit jardin, peu de temps et que je suis en ville, j’ai décidé d’y piocher ce qui me plaît et est réalisable avec mes moyens et mettre de côté le reste (genre le poulailler, le bassin, le puits.. .etc.).

J’ai donc commencé par choisir l’emplacement idéal dans mon jardin pour y poser mon potager. Pas simple surtout que j’ai dû négocier avec madame qui veut quand même garder de la jolie pelouse et des fleurs

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Le mieux c’est un endroit suffisamment ensoleillé, et surtout accessible facilement… Si vous devez marcher jusqu’au fond du jardin pour rendre visite à votre potager, vous risquer rapidement de lâcher l’affaire.

Ensuite, ce que j’ai choisir de faire, c’est une bute de permaculture. Il y a des tas de techniques différentes, mais celle-ci m’a paru la plus simple à mettre en œuvre. Il va sans dire que permaculture rime avec nature. L’emploi de pesticides et d’engrais chimiques est donc à proscrire.

Voici comment j’ai procédé fin août 2014.

1/ J’ai creusé 20cm de profondeur sur toute la surface prévue pour mon potager et j’ai mis la terre de côté. Cette terre est précieuse, car très riche (humus, vers de terre… Etc.).

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2/ Au fond, j’ai tapissé de cartons (brut et sans dessins ou encre) afin d’éviter que des racines remontent des profondeurs

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3/ Ensuite j’ai disposé des branchages ( pas plus de 7 cm de diamètre) pour que ça puisse se décomposer.

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4/ Puis j’ai ajouté une couche de paille puis d’humus, puis de fumier et encore d’humus.
5/ Enfin, j’ai recouvert le tout avec la terre de surface que j’avais enlevée.

En hauteur, une butte idéale doit faire dans les 70cm et en largeur, dans les 150 cm, et bordées de 2 tranchées ou chemin suffisamment large pour que vous puissiez vous y poser pour jardiner tranquillement.

Dans les bouquins, les buttes sont bordées de planches pour éviter qu’elles ne s’affaissent et la terre est récupérée des tranchées la bordant.

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En ce qui me concerne, j’ai opéré un peu plus à l’arrache. Ma butte ne fait pas 70cm de hauteur, car je n’avais pas assez de terre. En effet, je n »ai pas creusé les tranchées, car je ne voulais pas que le petit tombe dedans.
Et comme j’avais un peu la flemme, je n’ai pas consolidé ma butte avec des planches. Mais si vous faites les choses dans les règles de l’art, il vous faudra sûrement importer de la terre de l’extérieur pour faire une belle bute. La mienne ressemble donc plus à un monticule de 40 cm de haut, qui a une forme de banane, pour une longueur de 6 mètres au total.

Ça reste donc petit et c’est certain que je ne vais pas nourrir toute ma famille toute l’année avec ça, mais c’est déjà une bonne surface pour apprendre.

En ce qui concerne cette terre de surface redéposée au-dessus de la butte, j’ai commis une belle erreur. Je n’ai pas pris soin de retirer toutes les racines des mauvaises herbes présentes dans la terre. Et je le regrette, car maintenant, c’est la chasse aux mauvaises herbes. J’ai un peu de menthe, de liseron des champs, de chiendent et de pissenlit qui poussent… C’est un peu relou, mais je fais le ménage quand j’ai besoin de me vider la tête.

Enfin, une fois votre butte terminée, il faut la couvrir. Un des principes de la permaculture est de ne jamais laisser la terre à nue contrairement à ce que font les jardiniers traditionnels.

Pour couvrir cette terre, l’idéal est d’utiliser ce qu’on appelle du BRF (bois raméal fragmenté). En gros, ce sont des morceaux d’arbres (branches, écorces, feuilles) qui ont été broyés grossièrement. Cette couche de végétaux à plusieurs avantages…

  • 1/ Elle permet de conserver l’humidité de la butte (et ainsi éviter d’arroser)
  • 2/ Elle nourrit la terre et les insectes (vers de terre) en se décomposant
  • 3/ Elle emmerde les limaces et les escargots
  • 4/ Elle emmerde les plantes invasives
  • 5/ Elle protège du froid

Finalement, votre butte ressemblera un peu au sol d’une forêt.

Et voilà…

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Niveau planning, vous pouvez installer votre bute début septembre ou au printemps. Début septembre c’est l’idéal, car ça permet à la nature de reprendre ses marques avant le printemps (et vos premiers plants)

J’ai ensuite semé de la moutarde mi-septembre 2014 afin d’enrichir le sol. En effet, la moutarde permet de produire de l’azote naturellement. Puis je l’ai coupé avant la floraison, laissant les racines en place et déposant les feuilles sur la butte pour la nourrir .

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Après quand vous récolterez vos légumes, il ne faudra pas déraciner vos plants, mais les couper à la base, pour laisser les racines pourrir dans le sol, et surtout jeter vos épluchures (bio de légumes produits à partir de votre bute, hein, pas les épluchures des trucs achetés en supermarché) directement dessus. Ça va se composter tout seul sur votre butte et nourrir les vers de terre qui labourent pour vous la terre.

J’ai bien sûr décidé de planter uniquement des trucs que j’aime bien. Carottes, salades, courgettes, fraises, radis, oignons… Etc.

Pour les semences, il était hors de question d’acheter les merdes vendues par les mêmes semenciers cités plus haut. Et comme je souhaite préserver le patrimoine génétique, j’ai planté uniquement des variétés anciennes, résistantes et bonnes…

Un pote m’a filé plein de graines et j’ai adhéré à l’association Kokopelli histoire de les soutenir et d’avoir accès aux graines qui sont interdites à la vente.

https://kokopelli-semences.fr/?lang=fr-fr

Ensuite, dans un petit cahier, je me suis fait quelques plans de ma butte pour savoir ce que j’allais planter, à quel endroit de la bute et en quelle quantité.

Et ce n’est pas si simple, car il y a 2 choses dont il faut tenir compte. Premièrement, la rotation des cultures. En effet, en fonction de ce qu’on plante, la terre ne s’épuise pas de la même façon. Comme pour la moutarde, certaines plantes enrichissent le sol et d’autres épuisent plus ou moins vite le sol. Il faut donc découper virtuellement votre butte et chaque année décaler vos plants pour éviter d’avoir par exemple des carottes ou des tomates plantées chaque année à la même place. C’est toute une science, mais c’est passionnant.

Ensuite, l’autre chose dont il faut tenir compte, c’est l’association des plantes. Certaines variétés se détestent et d’autres s’apprécient, car par exemple, elles attirent ou repoussent certains insectes. J’ai par exemple planté des oignons avec les fraises ou du basilic avec mes tomates et courgettes.

Quand je vous disais que c’était une science… Pour savoir ça, j’ai acheté le bouquin suivant qui donne pas mal d’astuces sur les associations intéressantes

Cette année, j’ai donc planté des fraises, des tomates, du basilic, des oignons (fail), des carottes (fail), de la roquette, des haricots, de la moutarde, des salades (fail), des potirons (fail) et des courgettes. Mis à part les quelques fails que je vous ai mis entre parenthèses, le reste a poussé tranquillement et on s’est régalé. Comme je vous le disais, je ne me prends pas vraiment la tête. Je plante, j’arrose si besoin, je désherbe un peu et si ça pousse c’est cool, sinon ce n’est pas grave

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Ah et j’ai aussi planté un peu de maïs, ce qui m’a permis ensuite de le souffler et saler pour l’apéro.

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Je me suis acheté des mini serres comme celles-ci, j’ai fait mes petits plans que j’ai replantés ensuite dans ma butte, et mis en place un tuyau poreux pour arroser facilement grâce à ma cuve de récupération d’eau.

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J’ai aussi installé un petit abri à insecte et dès que je peux récupérer les graines d’un truc, je le fais. Ça me prend 5 min par-ci, par-là et c’est assez ludique. Ce qui est rigolo c’est que je ne me prends vraiment pas la tête. Je plante, ça marche c’est bien, ça ne marche pas, ce n’est pas grave… Me reste la bouffe locale au pire

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Maintenant que l’hiver est là, j’ai déplacé mes fraisiers dans la zone 2 de mon potager, arraché quelques mauvaises herbes, coupé les plants qui restaient et recouvert le tout avec des fougères pour protéger ma butte durant l’hiver.

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Voilà, j’espère que cet article à la fois long et très incomplet vous aura plu. Je dis « incomplet », car c’est un sujet trop vaste pour que je puisse tout vous résumer en 1 article, mais si l’envie m’en prend, j’en reparlerai à d’autres occasions. Ce qui est certain, c’est que même si vous êtes en ville, même si vous n’avez pas le temps, même si vous n’avez pas de jardin (juste un balcon ou une cour), il est possible et très facilement de faire pousser vos propres légumes, fruits ou plantes aromatiques. Il y a des trucs très simples à faire, des tas de petites astuces et de petits bricolages que vous pouvez trouver sur le net ou dans les bouquins qui peuvent vous permettre de faire pousser des tas de trucs sans être forcement expert. Puis, je vous assure que ça vide bien la tête.

Plantez bien !


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