NASA - Voyager 1 ressuscite ses propulseurs morts depuis 20 ans | Insolite | Le site de Korben
Image illustrant l'article : NASA - Voyager 1 ressuscite ses propulseurs morts depuis 20 ans

NASA - Voyager 1 ressuscite ses propulseurs morts depuis 20 ans

par Korben ✨ -

47 ans !

C’est l’âge de Voyager 1, le plus lointain objet fabriqué par l’Homme, qui continue de fonctionner dans l’espace interstellaire des milliards de kilomètres de la Terre. Ce truc est plus vieux que moi ! C’est dire !

Mais quand les propulseurs de secours qui maintiennent sa précieuse antenne pointée vers nous ont commencé à montrer des signes de défaillance, les ingénieurs de la NASA ont tenté l’impensable : ressusciter des propulseurs déclarés morts depuis 20 ans. C’était un pari très risqué mais nécessaire s’ils voulaient que cette mission initiée en 1977 perdure.

Maintenant pour ressentir ce que les ingénieurs de la NASA ont ressenti, fermez les yeux… Vous êtes sur un vieux terminal sur votre PC et vous êtes connecté en Telnet à un autre ordinateur sous Windows 95 qui se trouve à 25 milliards de kilomètres de chez vous. Ah, et vos commandes mettent 23 heures à lui parvenir, la réponse 23 heures supplémentaires à vous revenir, et vous n’avez droit qu’à une seule tentative avant de perdre définitivement le contact.

En gros, c’est l’équivalent spatial du “T’as essayé d’éteindre et de rallumer ?”, mais avec des enjeux légèrement plus importants. Pour comprendre l’ampleur du défi, il faut que vous captiez que les sondes Voyager avancent à 56 000 km/h dans l’espace. Ce sont littéralement les objets les plus lointains jamais fabriqués par l’humanité et les seuls à nous envoyer des données depuis au-delà de notre système solaire.

Le problème, c’est que depuis 2004, les propulseurs principaux qui contrôlent la rotation de la sonde (pour garder son antenne pointée vers nous) étaient considérés comme définitivement hors service. Leur panne était due à deux petits radiateurs internes qui avaient cessé de fonctionner. Depuis, on utilisait alors des propulseurs de secours, mais voilà qu’ils commencent à être bouchés par des résidus s’accumulant dans les conduites de carburant. Et sans possibilité de tourner la sonde correctement, bah c’est mort pour communiquer avec elle.

Et pour corser l’affaire, l’équipe de la NASA avait une deadline bien stressante car la seule antenne sur Terre assez puissante pour envoyer des commandes à Voyager (DSS-43, une parabole de 70 mètres en Australie) allait être mise hors service pour maintenance du 4 mai 2025 jusqu’en février 2026, avec seulement deux fenêtres de communication prévues en août et décembre.

https://www.flickr.com/photos/splatt/1202379420

Face à ce problème, les ingénieurs ont alors eu une idée. Et si les radiateurs n’étaient pas vraiment morts ? Et si c’était juste un interrupteur qui avait été basculé en position incorrecte par une perturbation dans les circuits ? Comme quand votre box internet bugue et qu’il suffit parfois de rebrancher un câble.

Mais attention, le risque était réel car si les propulseurs s’activaient automatiquement pendant l’opération alors que leurs radiateurs étaient encore éteints, ça pourrait provoquer une petite explosion. Game over pour Voyager et pas de bouton reset à cette distance.

Le 20 mars dernier, l’équipe a alors courageusement envoyé les commandes pour tenter de rebrancher virtuellement l’interrupteur. Puis ils ont attendu… 23 heures pour que le signal atteigne la sonde, et encore 23 heures pour recevoir la réponse. Imaginez cette attente interminable durant ces 46 heures ! Je pourrais pas faire ce boulot moi, trop stressant.

Mais bon, les mecs sont bons ! Ça a marché ! Et en observant le signal de retour, l’équipe a vu la température des radiateurs grimper en flèche. Ces propulseurs principaux, considérés comme morts depuis 20 ans, venaient de ressusciter !!

Todd Barber, responsable de la propulsion de la mission raconte d’ailleurs que : “C’était un moment de joie. Le moral de l’équipe était très élevé ce jour-là. Ces propulseurs étaient considérés comme morts, et c’était irrémédiable. Jusqu’à ce que l’un de nos ingénieurs ait eu cette intuition qu’il y avait peut-être une autre cause possible et qu’elle pouvait être corrigée.

Pour mettre cette prouesse en perspective, Voyager 1 fonctionne sur un ordinateur 8 bits avec environ 68 kilooctets de mémoire. Pour comparaison, ce texte que vous lisez occupe probablement plus d’espace que ça. La sonde a été conçue à l’époque où le premier Apple II venait de sortir, et où la plupart des gens n’avaient jamais vu un ordinateur de leur vie, alors je vous laisse imaginer

Pourtant, elle continue de nous envoyer des données uniques sur l’espace interstellaire et est notre seul “œil” au-delà de l’héliosphère, cette bulle protectrice créée par notre Soleil.

Kareem Badaruddin, chef de mission Voyager, témoigne : “Je pense qu’à l’époque, l’équipe s’était résignée à accepter que les propulseurs principaux ne fonctionnaient plus, car ils avaient une solution de secours parfaitement viable. Et, franchement, ils ne pensaient probablement pas que les Voyager continueraient pendant 20 ans de plus.

Ça vous rappelle pas quelque chose ? Genre ce vieux Nokia que vous avez gardé “au cas où” et qui finit par servir 10 ans plus tard quand votre Xiaomi dernier cri vous lâche ? Sauf qu’ici, on parle d’une machine lancée quand Giscard était encore président.

C’est la preuve qu’à la NASA, ils ne pratiquent pas l’obsolescence programmée, mais malheureusement, même cette mission exceptionnelle aura une fin car la puissance des générateurs thermoélectriques à radio-isotopes de Voyager diminue d’environ 4 watts par an. Il a déjà fallu éteindre certains instruments pour économiser l’énergie, et les communications pourraient cesser définitivement vers 2030.

Mais chaque jour gagné est une victoire et Voyager continue son voyage silencieux vers les étoiles, emportant avec elle le “Golden Record”, ce disque contenant des sons et images de la Terre, comme une bouteille à la mer cosmique.

Source