Course de drones - Au coeur du FPV AirShow
Comme je vous l’avais annoncé, il y a quelques jours sur le blog, j’ai eu l’immense chance il y a 15 jours de participer au FPV AirShow, la plus grosse compétition de course de drones du monde. Histoire de bien faire les choses, je suis parti avec Florian, mon photographe de choc, en mode commando pour partager avec vous ce moment exceptionnel.
Ça s’est passé au Domaine du Planet dans le Var, un endroit un poil isolé, sans aucun réseau GSM (ouin !), où se trouve le CEMA, le Centre Européen de Modélisme Aérien. Le CEMA c’est 80 hectares où se déroulent des meetings et des stages de formation à l’aéromodélisme. Il est possible de tout y piloter, que ce soit sur terre, dans le ciel grâce à une piste de 200 mètres de long ou dans l’eau avec un bel étang.
Et attention à l’inception, au CEMA, il y a aussi le CEEMA, le Centre d’Études et d’Essais pour Modèles Autonomes. J’ai rencontré Fabrice, son directeur qui m’a expliqué qu’en plus de mettre à disposition des zones d’essais pour des tests de drones et autres appareils radiocommandés, ils faisaient aussi beaucoup de recherche et développement, d’audits et incubaient même des entreprises innovantes autour de cette thématique.
Bref, un vrai lieu de vie, idéal pour cette course de drones.
Angélique, attachée de presse de l’événement. Elle possède un petit drone et Sébastien, son petit ami est ingénieur en électronique et en possède 4.
Le porteur de ce projet de fou, c’est Hervé Pellarin. Avec Hervé, on s’est connu lorsqu’il a sorti sa vidéo en mode Starwars en 2014 et ce que je peux vous dire sur lui c’est que c’est un mec adorable, passionné et une vraie tête de mule qui a une vision extrêmement précise de ce que doit devenir la course de drone dans les années qui viennent.
Je veux rencontrer les gens qui ne connaissent pas les drones, je veux leur en parler sans qu’ils aient d’aprioris sur moi donc je ne porte pas de badge. L’an passé à Chartres, c’est la préhistoire du drone, et cette année sera toute aussi vieille lors de la prochaine édition. J’ai un plan barré et j’avance étape par étape. J’utilise cet évent comme laboratoire pour vérifier si ça, ça ou ça fonctionne.
Et vous allez voir, c’est absolument passionnant. Je ne connaissais de ce milieu que ce que je peux en lire et voir en vidéo sur le net. J’avais déjà “piloté” (lol) un petit Rolling Spider de chez Parrot qui est clairement un jouet facile à prendre en main et aussi éclaté un hélicoptère radio commandé en quelques minutes.
Mais ce que j’ai vu ce week-end, c’était un truc de fou. Plus de 200 pilotes étaient réunis et 14 nationalités étaient représentées lors de ce championnat qui se découpait en différentes épreuves, sur 3 jours.
Il y avait 3 épreuves différentes. La course en tant que telle, avec ses qualifications et sa finale, mais aussi une épreuve de freestyle où les dronistes (oui ça s’appelle comme ça) font des figures de malade au travers d’une structure métallique.
Le freestyle est impressionnant et si vous aimez ça, je vous invite à mater les chaines YouTube de Mr Steele, Chad Nowak et Dani Pacha qui sont les 3 boss de la discipline.
Enfin, pour finir la journée en beauté, il y avait aussi une épreuve de nuit en mode Wipe Out. Ce dernier circuit a été imaginé par David Mocquay, un français installé aux États-Unis qui avec son associé a créé Light Trax, une société spécialisée dans ce genre d’installation.
Magique non ?
En tirant une caisse la veille, David s’est déchiré un muscle. Il nous explique avec zénitude comment les médecins lors d’une prochaine opération vont lui raccrocher.
Dunkan de la Team Mitral basée à la Ciotat : Champion du monde 2014 de pilotage d’hélico radiocommandé et favori pour cette course.
Un truc à savoir avant que je taille dans le vif du sujet, c’est que “Drone”, c’est le mot grand public. Mais pour les gens qui s’y connaissent, ceux “qui en sont”, on dit “Quad” pour Quadricopter. Toutefois, les mecs ne sont pas barbus au point de casser les pieds sur la terminologie de leur sport. J’utiliserai donc dans cet article aussi bien le mot drone que le mot quad !
D’ailleurs, peut-on vraiment parler de sport ? Les cyniques vous diront que rester assis sur une chaise, avec des lunettes de FPV (Pilotage à la Première Personne) pour faire voler un machin qui fait un bruit de moustique c’est tout sauf du sport.
Comme pour beaucoup de sports extrêmes ou motorisés, la course de drones (ou plus exactement de “Quads”) nécessite de grandes qualités de concentration, de pilotage, de mécanique et grâce à l’immersion propre au FPV, elle procure des sensations fortes. Car croyez le ou non, tous les pilotes que j’ai rencontrés rentrent dans un trip où leur esprit quitte leur corps pour ne faire qu’un avec la machine. Ils éprouvent alors un sentiment de vitesse et de liberté absolument semblables à des oiseaux.
Sur place nous avons rencontré Louis, alias LaRafale qui nous a fait rencontrer pas mal de coureurs, mais qui nous a aussi expliqué beaucoup de choses sur la discipline. Encore merci à lui !
Sachez-le, piloter un Quad est un sport onéreux. Il vous faudra le quad, les lunettes de FPV, les bonnes antennes, la manette, et surtout le matos de rechange. Car tous me l’ont confirmé… Quand tu sors ton quad, tu le pètes forcément. Parfois ce n’est pas grave, c’est juste une hélice, mais parfois, c’est carrément le chassis en carbone qui s’éclate.
Mark : Je suis d’Australie. Je suis dans l’informatique, je fais ce qu’il faut pour gagner ma vie en oscillant entre la technique, le développement et la musique.
Au total, il faut compter pour débuter, un budget d’environ 1 000 €. Mais tous ceux que j’ai rencontrés y passent leurs économies. Bien sûr il existe de nombreux modèles de quads, mais les plus répandus sur cette course étaient le Vortex de la société ImmersionRC et le SkyHero. De ce qu’on m’en a dit, c’est la base pour commencer la course. Après évidemment, chacun le customise à son envie. D’ailleurs si vous cherchez de bons tutos pour démarrer, le site de référence que tous m’ont recommandé est celui de Titidom.
Sur un quad, on trouve donc des moteurs, une caméra, des hélices, une antenne, une batterie, une carte contrôleur avec un gyroscope et un récepteur radio (pour la télécommande) sans oublier l’émetteur vidéo qui permet de diffuser les séquences filmée par la caméra à l’avant du drone. Ainsi, les pilotes peuvent grâce à leurs lunettes de FPV, voir ce que voit le quad.
Là, ce n’est pas sur de la course, mais sur de la prise de vue avec un Parrot Bebop
C’est très important, car c’est ce qui donne ce côté immersif à la course. D’ailleurs, les simples visiteurs, s’ils avaient amené leurs lunettes de FPV, pouvaient eux aussi suivre la course comme s’ils étaient à la place des pilotes. Malheureusement niveau techno, c’est encore un peu limité. Il y a d’abord un souci de qualité d’image. La retransmission ne se fait pas encore en HD, mais cela ne devrait pas tarder, car nous avons assisté en avant-première à une démonstration de FPV en 720p.
Et ça fonctionne ! D’après les spécialistes du genre, nous avons assisté, avec l’arrivée de la HD, à l’an 1 de la course de quad. Ce n’est que le début les amis.
L’autre problème, c’est l’émetteur vidéo (VTX). Jusqu’à présent, les courses de quad pouvaient être menées avec uniquement 4 pilotes. Au-delà les fréquences radio commencent à se chevaucher et les pilotes commencent à voire les images des autres dans leurs lunettes.
Mais Fatshark et Immersion RC ont assuré avec une techno de leur cru qui permet de faire voler jusqu’à 8 pilotes simultanément. Ils ont donc distribué à tout le monde ce petit émetteur vidéo dernier cri et je vous promets qu’à 8 coureurs, ça commence à avoir de la gueule.
Évidemment, pour piloter comme il se doit, les dronistes volent en accro. Cela signifie qu’ils dirigent leur engin sans aucune assistance au niveau la stabilisation. Ça demande pas mal de pratique. Après là où ça devient un peu pénible, c’est au niveau des batteries. Un quad lancé à pleine balle volera entre 2 et 4 min maximum. Mais la vitesse max qu’il atteindra est assez impressionnante. Ces petits engins atteignent facilement le 100, 110 voire 120 km/h. Il existe même une discipline (non présente sur l’événement) baptisée le Dragster où l’objectif est d’aller le plus vite… Et dans ce cas, ça peut dépasser les 150 km/h.
Anecdote intéressante racontée par Mc Fly, la démocratisation du quad s’est faite en partie grâce à la Nintendo Wii, plus exactement grâce à 2 accessoires pour la Wiimote : Le Wii Motion Plus et le Wii Nunchuk. Ces derniers sont équipés d’accéléromètres et de gyroscopes et grâce à un firmware baptisé Multiwii développé à l’origine pour la Wiimote, il est possible de remonter les informations de ces capteurs. Mais le projet a vite dérivé et permet maintenant de contrôler un tricopter, quadcopter ou hexacopter. C’est pourquoi on trouve maintenant des cartes contrôleur pour drones qui tournent avec Multiwii.
Emmanuel Mounier aka Mc Fly : J’ai explosé mon moteur en me cognant. Il faut savoir qu’on fait 75% de réparation pour 25% de temps de vol. J’ai cancel WOW quand j’ai acheté mon quad. Aujourd’hui, on est la pour kiffer et ne pas subir la pression d’un sponsor.
Dérivé de Multiwii, il y a eu ensuite le firmware Cleanflight qui est devenu le logiciel de référence, et, mais plus récemment, c’est son fork Betaflight développé par BorisB qui s’est fait une bonne place sur les machines de course que j’ai pu voir lors de ce FPV AirShow.
Grâce à cet outil, le pilote qui se doit aussi d’être mécano peut régler le plus finement possible son quad, jusqu’à la couleur des diodes à l’arrière de la machine. Pour la partie soft, il faut savoir que tous les outils sont conçus principalement pour PC (Windows et dans une moindre mesure, Linux) et qu’il n’existe pas grand-chose pour Mac.
Hormis lors de courses, les dronistes utilisent surtout des GoPro ou assimilées afin de sortir de très jolies vidéos comme celles-ci de Louis, tournée non loin de chez lui. Jolie n’est-ce pas ?
Ce qui était intéressant lors de ce FPV Airshow (vidéos ici chez XavDrones), c’était aussi de discuter avec les équipes. Elles s’appellent Propfiction, Team Further, Team Mistral, Killer of props, Team Zigogne…etc. Quasiment toutes les équipes sont autofinancées avec les économies de leurs membres, mais certaines ont quand même réussi à dégager quelques sponsorings. Attention, il ne s’agit pas d’un chèque à la fin du mois, mais plutôt de matériel offert par les marques pour aider les coureurs à exercer leur passion sereinement.
Niveau entrainement, ils font ça où ils peuvent, dans des endroits tenus secrets… Le plus souvent à la campagne ou dans les bois, mais il arrive que certaines équipent plus urbaines n’aient d’autres choix que de s’entrainer dans des parkings souterrains.
David Aspen - Je me suis pris les hélices du drone dans les mains, PAF, 7 points de suture.
David Aspen de la Team Mistral nous explique que lorsqu’il a acheté son drone sur le net, sa femme lui a dit qu’il ne s’en servirait pas. Elle avait tort. Au début, sans sa team, ils montaient leurs lunettes eux-même puis ils ont fini par acheter des Fatshark comme à peu près tout le monde sur place. Dans le civil, David est concepteur cuisiniste, et lorsqu’il a le temps, il fait aussi des reviews de matériel sur YouTube. Vous l’aurez compris, pour être droniste, il faut aussi être bricoleur et David dépense environ 500 euros par mois pour exercer sa passion.
J’ai aussi découvert tout un écosystème business qui se montait autour de la course de quad. Hormis les traditionnelles sociétés qui commercialisent leurs drones comme Immersion RC, SkyHero, Parrot (qui ne fait pas dans la course malheureusement), Fatshark pour les lunettes de FPV, et d’autres boutiques, j’ai surtout croisé des artisans du drone.
Des mecs comme Jérôme de la Fabrique Circulaire qui conçoit et fabrique ses propres antennes qu’il vend ensuite dans le monde entier.
Adrien - J’ai vendu ma boite de post production sur Paris et je me suis lancé dans le graphisme et le design.
Adrien conçoit et fabrique en impression 3D des prototypes pour l’aviation, le médical et bien évidemment pour le drone. Il a conçu un kit à fixer sur certains quads pour en améliorer la résistance aux chocs.
Mais sachez-le, niveau réglementation, le drone ce n’est pas tout rose. Vous ne devez pas monter à plus de 150 mètres (sinon vous violez l’espace aérien), vous devez être loin de tout aéroport, centrale nucléaire et j’en passe, vous ne devez pas survoler de gens, vous devez respecter les réglementations relatives aux transmissions radio… Etc. Comme dans la loi, le drone est un outil pour faire de la prise de vue, il n’est pas nécessaire de le faire voler de nuit. Par conséquent, les courses nocturnes sont illégales.
En gros, pour voler, il faut être dans un lieu isolé à la campagne (ou avoir un grand terrain), à moins de 150 mètres de hauteur et exclusivement de jour. Et si vos voisins sont cons, pensez à enlever la GoPro pour ne pas qu’ils puissent vous accuser d’espionnage alors qu’ils publient leur vie sur Facebook et que leur maison est visible sur Google Maps. ;-))
Ce que souhaitent la plupart des gens que j’ai croisés, c’est la mise en place d’un brevet de télépilote afin que ceux qui veulent faire de la prise de vue costaud ou de la course aient toutes les qualifications requises aussi bien en pilotage qu’en sécurité. De loin, on dirait des jouets, mais des hélices qui tournent à 2700 tours par minute lancés à plus de 100 km/h, ça peut faire de gros dégâts. Il faut toujours manipuler son quad avec précaution et ne prendre aucun risque sous peine de voir ses mains (ou d’autres parties de son corps) se faire sévèrement entaillées.
Lors du FPV AirShow, l’armée Française était aussi présente avec son petit stand, mais surtout avec son équipe de pilotes ! Ils avaient de super quads avec des diodes bleu blanc rouge et après avoir discuté avec le commandant Gigan Daniel (Docteur en IA et neurosciences), j’ai pris conscience que les militaires comme les civils avaient beaucoup à gagner en compétences, en techniques et en technologies s’ils progressaient ensemble sur ce terrain.
Pour la petite histoire, le Commandant Gigan (qui n’a pas allumé de TV depuis 14 ans) était en vacances et a allumé la télévision à cause d’une insomnie. Il est alors tombé sur l’émission Tracks dans laquelle Hervé parlait de la course de drone. Ça a été le déclic et il a, dès le lendemain, contacté Hervé pour voir comment il pouvait l’aider et travailler ensemble pour démocratiser la course de quads.
Au lendemain du FPV Airshow, nous sommes allé rendre visite à Louis et Yannick de la société Flooz.me spécialisée dans le micro paiement entre particuliers, qui nous ont fait tester leurs quads en FPV. Ce que je peux vous dire c’est qu’il faut beaucoup de doigté pour arriver à obtenir un pilotage correct et je n’ai clairement pas encore le niveau :-).
Et le côté immersif avec les lunettes est vraiment ce qu’il y a de mieux dans cette activité puisqu’on peut véritablement oublier son corps et plonger complètement dedans comme on peut le faire avec un bon jeu vidéo. D’ailleurs, le Quad FPV est le croisement idéal entre l’aéromodélisme et le jeu vidéo. C’est comme de l’e-sport ancré dans le réel et énormément de pilotes sont des joueurs passionnés.
D’ailleurs, si vous voulez vous entrainer au pilotage sans pour autant investir dans un quad, il existe un excellent simulateur baptisé LiftOff trouvable sur Steam qui peut s’utiliser avec la même radiocommande que pour votre drone. Indispensable pour pratiquer même les jours de pluie et ça peut vous aider à voir si vous aimez vraiment ça avant de commencer à y passer tout votre compte en banque.
Pour conclure, je dois dire que j’ai passé 3 jours exceptionnels. J’ai rencontré des passionnés avides de partage et même quelques lecteurs comme Émile, Yves et Eric, un trio de libristes bien sympathiques.
La course de drones n’en est encore qu’à ses débuts et il y a encore beaucoup de chemin à parcourir au niveau réglementation pour que ça se fasse dans de bonnes conditions pour tout le monde. Mais la volonté est là de crédibiliser la discipline & structurer l’écosystème du drone et vous pouvez compter sur des gars comme Hervé, le Commandant Gigan et bien d’autres pour faire bouger les lignes.
Vivement l’année prochaine !
Et voici le reste des photos de Florian en mode diaporama !
Photos : Florian Belmonte // Textes : Korben