Waymo, les voitures autonomes qui balancent tout à la police | Insolite | Le site de Korben

Waymo, les voitures autonomes qui balancent tout à la police

par Korben ✨ -

Même si ça n’embête pas grand monde, les dashcams restent problématiques parce que quelqu’un pourrait avoir des images de vous au volant de votre Fiat Punto, avec votre maitresse sur le siège passager… Ou encore déambulant complètement saoule et à moitié nu dans les rues de Pau, ce qui vous empêcherait, peut-être un jour d’être ministre… Quoique…

Mais je trouve que ça apporte quand même un gros avantage en cas d’accident pour lever le doute sur certaines situations complexes surtout quand on voit le nombre de Volkswagens, euuuh pardon, de chauffards en exercice sur nos routes nationales.

Mais faut le reconnaître, les dashcams, c’est soooo 2020, car aujourd’hui, si vous croisez régulièrement des voitures autonomes, vous êtes probablement déjà en version 3D dans une base de données policière sans le savoir. En effet, les taxis sans chauffeur Waymo sont devenus les nouveaux indics high-tech de la police américaine. Eh oui, les grandes oreilles de Waymo sont désormais des archives judiciaires sur roues.

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D’ailleurs si vous habitez San Francisco ou Los Angeles, vous avez probablement déjà joué les figurants malgré vous dans une scène de “Faites entrer l’accusé” et même si ça n’existe pas encore chez nous, on sait bien que ces technologies finissent toujours par traverser l’Atlantique, parfois plus vite que prévu.

Le LAPD vient en effet de publier sur YouTube une vidéo estampillée “Waymo Confidential” montrant un délit de fuite. C’est la première diffusion publique de ce genre, et certainement pas la dernière et je trouve que ça mérite qu’on s’y attarde, car ces véhicules autonomes sont en train de transformer les villes américaines en gigantesques plateaux de surveillance à ciel ouvert… et c’est probablement ce qui nous attend en Europe.

Voici la vidéo en question, réjouissez-vous de la qualité des rushes :

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Commençons par l’anatomie de ces balances automatisées. Un Waymo de 6ème génération, ce n’est pas juste une voiture qui se conduit toute seule. C’est un véritable data center ambulant équipé de 13 caméras haute résolution, 4 lidars (ces scanners laser rotatifs qui cartographient tout en 3D), et 6 radars qui détectent le mouvement même à travers les obstacles. Le tout offrant une vision à 360° sur environ 500 mètres. C’est donc comme si on mettait une caméra de surveillance tous les 10 mètres sur le périph’ parisien, mais en version mobile.

Pour vous donner une idée, c’est l’équivalent de 27 caméras de surveillance traditionnelles fixées sur une seule bagnole. Et ces petits bijoux génèrent approximativement 15 Go de données compressées par heure. C’est plus que ce que produit votre téléphone en une semaine, et c’est transmis via un flux chiffré TLS 1.3 (protocole de sécurité qui protège les données en transit) directement vers les serveurs de Google. Pratique donc pour savoir rapidement qui a piqué une jante à 19h30, mais pas terrible pour votre anonymat.

Certes, Waymo utilise des algorithmes pour flouter automatiquement les visages et les plaques d’immatriculation… sauf que les données brutes sont soigneusement conservées… Au cas où un mandat judiciaire viendrait frapper à la porte.

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Le processus est plutôt carré, car Waymo ne fournit des données que sur demande légale valide (mandat, citation à comparaître, ordonnance du tribunal).

D’après leur porte-parole :

Waymo ne fournit pas d’informations ou de données aux forces de l’ordre sans une demande légale valide, généralement sous forme de mandat, de citation à comparaître ou d’ordonnance du tribunal. Nous examinons soigneusement chaque demande pour nous assurer qu’elle satisfait aux lois applicables et qu’elle est juridiquement valide. Nous analysons également les données ou informations demandées pour nous assurer qu’elles sont adaptées à l’objet spécifique du mandat. Nous réduirons les données fournies si une demande est trop large et, dans certains cas, nous nous opposerons totalement à la production d’informations.

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Rassurant sur le papier ? Peut-être, mais depuis 2023, au moins 9 mandats ont été émis par la police de San Francisco et du comté de Maricopa (Arizona) pour obtenir des vidéos Waymo. Et ce n’est que le début.

Ce qui est vraiment fascinant (ou flippant, c’est selon), c’est que Waymo a déjà formé plus de 18 000 premiers intervenants dans plus de 75 agences américaines sur la manière d’accéder à ces données. Ils ont même une hotline dédiée 24/7 pour les forces de l’ordre. Si c’est pas du service client de qualité ça !

En France, où la CNIL veille au grain, on aurait probablement droit à quelques garde-fous supplémentaires, mais ne soyons pas naïfs : si ces véhicules débarquent un jour chez nous, nos forces de l’ordre ne tarderont pas à s’y intéresser également.

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Waymo n’est d’ailleurs pas seul dans cette aventure. Tesla (avec son mode Sentinelle), Ring (ces sonnettes qui filment tout ce qui bouge), et même les robots de livraison autonomes sont régulièrement sollicités par les forces de l’ordre. L’affaire du LAPD marque cependant un tournant, car c’est la première fois qu’une telle vidéo est rendue publique.

Comme je vous le disais en intro, Waymo dispose de 13 caméras et 10 autres capteurs divers, conserve toutes les données brutes malgré un floutage en façade, et ne propose aucune option de désactivation. Tesla Sentinelle fonctionne quand à elle avec 8 caméras, stocke localement les données et ne permet pas non plus de s’y soustraire. Quant à Ring, qui n’utilise qu’une seule caméra fixe par appareil, il stocke vos données dans le cloud selon votre abonnement, mais au moins vous avez le choix… de ne pas l’installer ^^.

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Waymo revendique aujourd’hui environ 700 Jaguar I-PACE bardées de capteurs dans les rues de San Francisco, Phoenix et Los Angeles, assurant plus de 100 000 courses payantes par semaine. La probabilité que vous ayez déjà été filmé par l’un de ces véhicules si vous vivez dans ces zones est… disons… statistiquement significative. Imaginez un instant le même déploiement à Paris, Lyon ou Marseille… on parlerait d’une couverture vidéo quasi-totale et permanente de l’espace public.

Les implications sont nombreuses, avec du bon et du moins bon. D’un côté, la surveillance passive permanente sans consentement, le risque de voir vos activités militantes finir dans une base de données, l’auto-censure dans l’espace public (ce qu’on appelle le “chilling effect”), et des erreurs d’identification possibles par les algorithmes. De l’autre, la résolution de crimes violents comme le délit de fuite montré dans la vidéo, des preuves disculpatoires pour les innocents accusés à tort, la responsabilisation des comportements dangereux, et des données objectivées et horodatées, souvent plus fiables que les témoignages humains.

Si vous êtes en Californie, la loi CCPA/CPRA (California Consumer Privacy Act) vous donne des droits concernant vos données personnelles. En Europe, notre sacro-saint RGPD offre des protections similaires, voire plus strictes. Et pour les plus technophiles, sachez qu’il existe des lunettes à LED infrarouge qui perturbent les systèmes de reconnaissance faciale, ainsi que des techniques de maquillage et masques “réfléchissants” conçus pour brouiller les algorithmes d’identification. Il existe même des vêtements avec des motifs spécifiques pour déjouer l’IA. et qui vous donneront un look unique très “années 80”.

C’est ce qu’on appelle des “patches adversariaux”, des designs spéciaux qui embrouillent l’IA au risque quand même de vous faire écraser au détour d’un passage piéton. Mais c’est tout ce que vous mériteriez, bande d’affreux activistes ! 🤣

Bref, ici, en France, on n’en est pas encore là, mais avec l’accélération des projets de mobilité autonome en Europe, notamment à Paris pour les derniers JO et d’autres événements, ce n’est sans doute qu’une question de temps…

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