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Richard Stallman : Il ne faut pas avoir peur d’Hadopi, sinon, l’Etat policier a gagné

Richard Stallman, fondateur de la Free Software Foundation, lors d'une conférence sur la liberté numérique.
Wolfgang This est lecteur de Korben.info mais aussi et surtout Secrétaire général de iTeam, une association de promotion du logiciel libre et de la sécurité informatique à l’ECE. Et à ce titre, il a pu  assister, hier à Nanterre, à une conférence menée par le célèbre Richard Stallman au sujet des droits d’auteurs et de la liberté numérique.

Et comme Wolfgang est un mec trop sympa, il nous a fait un compte rendu passionnant ! Je vous recommande de le lire,c’est passionnant !

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Droits d’auteur & liberté numérique

Introduction de Jeremy Zimmerman, co-fondateur de La quadrature du Net, et qui parle de la loi Hadopi (plus connue sous le nom de loi des réponses graduées) et du black-out du net (mettre les parties du web qui vous appartiennent comme les avatars, les blogs, les sites persos en noir pour protester contre Hadopi).

Selon Richard Stallman, il ne faut pas avoir peur d’être déconnecté par la loi Hadopi, il ne faut pas changer ses habitudes, sinon l’état policier a gagné.
Pourquoi est-ce qu’Hadopi est injuste ?

Pour un programme, il y a quatre libertés :

  • 0 : liberté d’exécution
  • 1 : liberté d’étudier et de modifier le code source
  • 2 : liberté de diffuser le programme
  • 3 : liberté de contribuer

Peut-on faire une analogie avec les objets physiques ?

  • 0 : oui
  • 1 : devient « étudier et changer »
  • 2 : non physiquement réalisable
  • 3 : idem

Cependant, ces droits pour les informations sont possibles. On peut donc se demander quelle liberté doit-on prévoir pour les œuvres qui ne sont pas des logiciels, et particulier pour l’information.

Nous allons donc ici voir une histoire du droit d’auteur et de la copie.

Dans l’antiquité, il n’y avait d’économie d’échelle : copier 1000 fois une œuvre coûtait mille fois la copier en un seul exemplaire.
D’autre part, il n’y avait pas de capacités requises pour la copie autre que celles pour utiliser l’œuvre (à savoir la lecture et l’écriture).
D’autre part, ce système était décentralisé. Il n’y avait pas à cette époque de droits d’auteur, cependant il y avait une censure.

Plus tard est apparu l’imprimerie. On passe à une copie plus efficace, beaucoup moins coûteuse à grande échelles, mais beaucoup plus coûteuse pour une seule copie.
Il apparaît un système centralisé de copie, et cela nécessitait des aptitudes autres. Les droits d’auteurs sont apparus, mais n’exerçaient pas de restrictions sur les lecteurs, ils restreignaient l’industrie. Les droits d’auteurs n’étaient donc pas controversés par le public : les lecteurs gardaient leurs droits, et c’était facile à appliquer. Cela représentait une avancée pour les lecteurs, puisque cela leur facilitait l’accès aux œuvres, et permettaient aux auteurs de mieux vivre. Théoriquement les utilisateurs perdaient une liberté, mais comme ils ne pouvaient exercer le droit qu’ils avaient perdu…

Enfin, l’informatique est arrivé, avec une nouvelle amélioration, encore non uniforme. Cette fois, copier peu ou beaucoup est presque la même chose, mais on tend à se rapprocher de l’époque antique, dans le sens où faire une copie unique redevient à notre portée. De plus, les moyens et aptitudes requis redeviennent aussi à notre portée.

Si l’état devrait donc modifier le système de droit d’auteur, mais au lieu de l’affaiblir, il le renforce pour que les sociétés qui gagnaient de l’argent continuent à en gagner. Par exemple, l’état augmente encore la durée du droit d’auteur. Le meilleur exemple est le cinéma, qui veut un droit d’auteur éternelle, et pour se faire redemande tout les 20 ans un allongement de 20 ans….

Les éditeurs veulent restreindre encore plus nos droits : pay per view, verrous (« menottes ») numériques, DRM…

On peut parler par exemple des DVD, qui sont cryptés, et lisibles que dans une zone géographique restreinte. Pourquoi ?
De plus, la conspiration des éditeurs force les constructeurs de lecteurs DVD à embarquer leur technologie de cryptage. Cette conspiration est d’autant plus grave qu’elle n’est pas secrète, puisqu’elle est soutenue par l’état.

A ce titre, l’union européenne, non comme concept mais comme la présente réalité, est dangereuse, car elle encourage ce genre de pratiques ou les entreprises passent avant les citoyens.

Il se passe en ce moment là même chose sur les DVD Blue-Ray, sauf qu’on n’arrive pas encore à craquer cette technologie, c’est donc notre devoir de ne pas les acheter, puisqu’ils nous privent de nos droits.
Il existe un autre moyen de résistance : un « presque-boycott ». Non pas ne pas aller au ciné, mais plutôt ne jamais payer si ce n’est pas bon.

On retrouve les verrous aussi dans la musique : il y a 10 ans, des faux disques compacts sont apparus : des disques « copy-control ». Dans certains pays, l’appellation Compact Disc (CD) leur est même interdite.
Une anecdote à ce sujet : Sony est connu pour mettre des logiciels sur leur CD qui fonctionnent comme un virus, ce qui est criminel. Un fait comique est qu’ils ont commis un autre crime, celui d’enfreindre les droits d’auteurs, puisque des parties de leur code étaient sous licence GNU. Sony n’a jamais été condamné pour cela. Des utilisateurs ont bien porté plainte, mais l’emphase était sur la partie de contrôle. Néanmoins, Sony a appris dans cette histoire, puisque désormais ce « rootkit » a été installé avant la vente, c’est ce qui est fait dans la Playstation 3.
On peut cependant dire qu’en vérité, ce système était moins mauvais que certains autres, puisque ce système ne fonctionne que sous Windows et Mac…

Même si on gagne cette bataille, il y a un nouveau danger : le verrou numérique sur les livres. Des libertés on été enlevées : par exemple prêter le livre à un ami, le revendre, l’emprunter, l’acheter de façon anonyme, le garder à vie.
Cependant, le faire directement est difficile, donc les éditeurs ont conçus un plan en deux étapes : d’abords nous ôter ces libertés pour les livres électroniques, mais en raison du peu de lecteur, cette étape n’a pas été difficile. La seconde étape est de nous convaincre à lire des livres sans papier.

Un éditeur a notamment pensé a mettre la biographie de Richard Stallman sous format électronique, lequel a imposé de publier sans verrou. L’éditeur a refusé, et le livre a été publié chez un autre éditeur, mais sous licence libre.

Jusqu’à présent, ces livres ont échoué, mais les éditeurs essaieront de nouveau, les entreprises qui veulent du pouvoir essaient toujours de nouveau. (Le sony sh-reader, le Amazon Swindle 🙂
Ces livres sont notamment un crime contre l’amitié : si on va chez un ami, il n’y a pas de livre a feuilleter, emprunter.
Pour lutter contre les verrous, un site a été créé : defectivebydesign.org

Un état doit lutter contre les droits d’auteurs. Richard Stallman propose de les limiter à 10 ans après la publication.
La date de publication : pour permettre à l’auteur d’écrire tranquillement. Pourquoi 10 ans ? Parce qu’aux états-unis sont vendus à prix réduit au bout de 2 ans, et introuvables au bout de 3 ans. Donc 3 fois cette période doit suffire. Lors d’une assemblée avec des auteurs et l’orateur, un des auteurs s’est levé et a protesté : « 10 ans seraient insupportable, plutôt 5 ». En effet, les éditeurs maltraitent aussi les auteurs, sauf les « stars ». Dans le cas ci-dessus, l’auteur devaient récupérer ses droits quand le livre étaient épuisé, mais même si ce dernier était introuvable, l’éditeur refusait de le déclarer épuisé. »Chaque auteur commence avec les désir de faire apprécier son oeuvre ». Et mis à part quelques super stars qui gagnent beaucoup, les auteurs gardent ce plaisir.

Quelles utilisations doivent être restreintes par les droits d’auteurs ?
Richard Stallman défini 3 catégories :

  • œuvres fonctionnelles
  • d’opinion & témoignage
  • œuvre d’art & divertissement

our les œuvres fonctionnelles, elles doivent être libres : logiciel, recette de cuisine, polices de caractère, les œuvre de référence. Pour avoir le contrôle de sa vie, il faut avoir le contrôle de l’œuvre. Il faut pouvoir changer l’œuvre, et la publier pour ceux qui ont les mêmes besoin. Il est donc absurde d’interdire les copies exactes, puisqu’il existe des changements sans effets.
L’argument que des oeuvres libres n’existent pas, était plausible il y a 20 ans, mais désormais on sait que c’est faux. Ex : cuisine, wikipedia, oeuvre éducatives (freetextbookproject.org ) …

Les œuvres d’opinion et témoignage : elles montrent comment pense quelqu’un. La distribution de versions modifiés est nuisible car elle déforme la pensé. Stallman propose un droit d’auteur réduit, sauf que l’on pourrait diffuser librement des copies exactes, car c’est la liberté minimale. Pour interdire le partage, il faut la guerre conter le partage et des lois cruelles. « Partager est bon et tout le monde le sait« . Avec la liberté de partage, nous pouvons limiter les droits d’auteur à une réglementation industrielle. Et ainsi, nous pouvons rendre de l’argent à l’auteur.

Oeuvres d’art & divertissement : il a fallut des années pour décider quoi faire, car il y a des bons arguments, contre et pour, la publication de versions modifiées. Cependant, on admet que la publication des versions modifiées n’est pas urgente, et donc on peut attendre 10 ans. Avant, ce serait les mêmes restrictions que pour la seconde catégorie.

Le partage par le réseau doit donc être légal, car partager est bon. Quand on attaque les lois injustes, il ne faut pas que condamner les moyens, mais aussi le but, car le mal est dans la racine. Celui qui attaque le partage attaque la société. Pendant ce temps, les éditeurs disent que si nous partageons, nous volons les artistes. C’est faux.
En effet, c’est rare qu’acheter un disque finance les auteurs, il n’y a que les super-stars établies depuis longtemps qui en profitent vraiment, car elles ont terminé leur premier contrat, qui est toujours exploitant, et ont pu négocier un contrat plus lucratif.

Pourquoi ces contrats sont si exploitants ? Parce que la publicité et la communication sont des avances, qui sont débités sur ce que doit recevoir l’auteur. Il est rare que les disques se vendent assez bien pour rembourser ces frais, même un disque d’or ou de platine. Partager par le réseau ne nuit donc qu’a quelques stars, qui sont déjà riches, il y a donc pas autant de dégâts qu’on veut bien nous le faire croire.

Cependant, le système actuel est « minable » concernant la rétribution des auteurs.

Voici quelques idées :

Instaurer un impôt, réparti en fonction d’un succès d’un auteur, mais pas de façon linéaire, ce qui gaspillerait trop d’argent public à rendre riche des stars pour que des artistes normaux puissent vivre. On propose donc un système de racine cubique. Une star qui vend 1000 fois plus de copies recevraient donc 10 fois plus.
A ce sujet, il faut condamner des expressions comme « rémunérer », ce qui induit une idée de dette. Il faut au contraire financer les arts, au lieu de devoir de l ‘argent si on apprécie une oeuvre.

Une seconde idée est dans les payements volontaires: imaginons un bouton qui envoie un euro à l’artiste. Qui en France ne peut pas donner un euro ? Ce n’est pas nécessaire que ce soit les pauvres qui financent les artistes, il y a assez de gens riches pour ça.
Ce système, même avec le payement incommode actuel qu’est la carte de crédit, marche assez bien. Deux groupes stars, Nine Inch Nails et Radiohead ont gagné ainsi des millions de $. Mais cela fonctionne déjà aussi pour des artistes moins connus. Une artiste canadienne peu connue reçoit en moyenne plus d’1$ par téléchargement. Quand on sait qu’en moyenne, les maisons de disques reversent moins d’un 1$ par album…
De plus, c’est incommode, cela exige une carte de crédit, et ce n’est pas anonyme. (« En passant, c’est un échec d’acheter avec sa carte de crédit si on peut le faire de façon anonyme, c’est notre devoir de mettre nos doigts dans les yeux de grand frère. Pardon, Big brother.« ).
Si les gens ne payent pas assez, on peut toujours faire des campagnes aimables (« As-tu donné 1 € a un auteur cette semaine ? Pourquoi pas, tu aimes la musique, non ?« ) plutôt que des campagnes cupabilisatrices (« Tu as volé de la musique, c’est un crime !« ).

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Voilà, c’est fini ! Alors, que pensez vous de tout ça ?
Encore merci Wolfgang et bravo pour ce super compte rendu !

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