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J’ai testé pour vous : Le vol parabolique !

Lorsque j’ai reçu l’email du CNES pour participer à un vol parabolique, il y a eu un petit bordel dans ma tête avant que j’accepte… J’aime bien voyager, mais j’ai toujours un petit stress quand je prends l’avion. Un petit stress irrationnel qui s’estompe au fil des années, car plus je prends de coucous, moins je flippe…

N’empêche, voir un avion pointer le nez vers la mer, en situation de décrochage complet et me dire que je serai dedans, ça fait réfléchir à 2 fois… Mais j’aime bien faire de nouvelles expériences, tout en sachant que je n’aurai pas de seconde chance pour un vol ZeroG… alors j’ai dit oui !

Du coup, je vais essayer de tout vous raconter en détail. Je sais que pour certains d’entre vous comme Samuel, et d’autres, j’ai mis un peu de temps avant d’écrire ce post, mais il fallait que ça se repose un peu dans ma tête 😉

Qu’est-ce qu’un vol ZeroG ?

Je vais commencer par le b a ba… Qu’est-ce qu’un vol Zero G ? Et bien il s’agit d’un vol durant lequel les passagers ne pèsent plus rien… 0 kilo et 0 gramme… Le rêve pour ceux qui ont abusé de la bouffe durant les fêtes 🙂 C’est aussi, le seul moment sur Terre où l’on peut ressentir cette sensation plus que surprenante pour tout le corps.

Pour obtenir cette gravité 0, l’avion de Novespace doit effectuer une trajectoire ayant la forme d’une parabole. Vu de l’extérieur, c’est très impressionnant… De l’intérieur, par contre, à moins de regarder dehors, on ne se rend absolument pas compte du piquet que fait l’avion.

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L’intérêt d’une telle parabole est de faire suffisamment décrocher l’avion pour que tout ce qu’il contient (objets, passagers) soit en chute libre. Un peu comme quand on saute en parachute, mais sans parachute et surtout sans les frottements de l’air.

Depuis 1997, le CNES utilise donc l’Airbus A300 de Novespace, spécialement aménagé pour le vol en impesanteur, à raison de 5 ou 6 campagnes de vol par an. L’ESA utilise aussi cet avion pour l’entrainement de ses astronautes.

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Qu’est-ce que l’impesanteur ?

Un vol comme celui-ci permet de configurer un état d’apesanteur (on dit aussi impesanteur) ou de micro gravité tout en restant sur Terre. Par exemple, les 2 premières paraboles que j’ai effectuées durant le vol reproduisaient la gravité telle qu’on la ressentirait sur Mars et sur la Lune. Cela demande un réglage très précis de la part du pilote et de ses assistants

Vous avez du bouffer un peu de Newton quand vous étiez jeune, donc vous connaissez surement sa 3e loi qui dit grosso modo : Tout corps A exerçant une force sur un corps B subit une force d’intensité égale, de même direction, mais de sens opposé, exercée par le corps B . Cela veut dire que si vous êtes sur Terre, la force qu’exerce celle-ci sur vous, est ressentie par vous comme étant votre poids. Grâce à ce vol ZeroG, on supprime cette force. On flotte littéralement dans les airs et surtout, on perd totalement la sensation de haut/bas, et on ne sent plus le poids de son corps.

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A quoi ça sert ?

Les vols ZeroG ont 3 fonctions :

  • Pour la science : Il faut savoir que sur notre chère planète, il y a de nombreux scientifiques qui bossent toute la journée sur des tas de théories ayant un rapport avec l’espace ou l’absence de gravité, et que parfois, ces mêmes scientifiques ont besoin d’aller vérifier à travers des expériences, leurs théories. Ces cas pratiques pourraient être réalisés dans l’espace, mais pour des questions de budget et de praticité, le vol ZeroG est un excellent compromis. Le truc qui est génial avec le vol ZéroG, c’est surtout que l’expérience peut embarquer AVEC le scientifique, ce qui n’a pas de prix et ce qui n’est pas vraiment faisable lors d’un vol spatial. L’avion ZeroG peut embarquer jusqu’à 15 expériences en même temps. Il faut savoir que certains projets de recherche étudiants (et les étudiants eux-mêmes) peuvent aussi monter à bord.
  • Pour l’entrainement des astronautes : Bah oui, avant d’aller dans l’espace, l’astronaute doit s’entrainer. Il doit savoir se déplacer en état d’impesanteur et surtout travailler sans partir dans tous les sens ou dégobiller ses tripes.
  • Et maintenant pour le fun : À part 1 ou 2 voyages de presse comme le mien par an, la règle chez Novespace c’est « Priorité à la science« . Mais les pauvres scientifiques n’ont pas vraiment la possibilité de pratiquer le Free Floating (Quand on flotte dans l’avion librement) puisqu’ils risqueraient de dérégler ou casser les expériences des autres. Mais pour se financer et aider la recherche scientifique, Novespace a décidé d’ouvrir quelques vols par an aux particuliers. Les 2 premiers vols (Mars et juin) sont déjà complets et le tarif par tête d’astronaute est d’un peu moins de 6 000 €. Va falloir en faire des heures sup…

Petite parenthèse, je confirme que la recherche en Europe a besoin d’argent puisqu’ils sont encore sous Windows XP…

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Vous l’aurez compris, c’est la science qui est la reine de ces vols et ce n’est pas près de changer. Il y a un cahier des charges très précis qui permet aux scientifiques de préparer au sol, leurs expériences, avant de les embarquer dans l’avion. Elles se trouvent toutes dans des cadres faits de tubes métalliques protégés avec de la mousse pour leur éviter un choc quelconque. Ces expériences sont très variées et touchent aussi bien les domaines de la physique fondamentale, des sciences physiques, des sciences de la vie, sciences de la matière que les sciences de l’univers.

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Par exemple :

  • L’étude du comportement d’un moteur du lanceur Ariane 5
  • L’étude du fonctionnement du cerveau humain dans sa gestion de l’orientation spatiale et de l’équilibre
  • Les propriétés optiques de la lumière
  • Les mouvements du sang en micropesanteur
  • L’évolution des milieux granulaires
  • La combustion en micropesanteur
  • L’influence du système nerveux sur les articulations
  • Ainsi que l’essai des équipements pour les missions spatiales…

Autant vous dire que ce petit joujou est plus qu’utile ! Sans être un expert dans ce domaine, la science, comme l’informatique, le hacking et la robotique sont des domaines que j’affectionne tout particulièrement. J’étais donc parfaitement conscient de la chance que j’avais de participer à un tel vol.

Conditions de santé

Quand on reçoit la paperasse et qu’on doit aller voir son médecin, on se dit que pour faire ça , il faut une condition physique extraordinaire… Mais en réalité, n’importe qui peut le faire. Pas besoin d’être un athlète, il faut juste être en bonne santé. J’ai quand même dû fournir un électrocardiogramme et un certificat médical.

Le jour J

On nous avait prévenus… Il ne faut pas boire d’alcool la veille, ni manger trop le matin et éviter les choses trop grasses et les produits laitiers, le café ou le chocolat… Sinon, gare aux risques de gerbe à l’intérieur de l’avion. Il faut éviter aussi de trop se parfumer, car ça pourrait déranger les collègues et ne pas trop se couvrir, car il faut chaud dans l’avion (et on se dépense quand même un peu).

J’avais comme tout le monde, une petite boule au ventre, en attendant la navette pour aller à l’aéroport le matin.

Arrivé au centre Novespace, on m’a fait enfiler une magnifique combinaison bleue et là, je me suis senti un peu comme dans ce film… mais si, vous savez…

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Une de mes plus grosses appréhensions, c’était de vomir dans l’avion. Bon, je n’ai jamais eu le mal de l’air, et si je ne joue pas à Asphalt 7 dans le bateau, je n’ai pas non plus le mal de mer… Mais mieux vaut prévenir que guérir, j’ai eu le droit comme les autres à une petite piqure d’un produit appelé Scopolamine. Ce truc est génial… Au début on ne sent rien, ensuite, ça tourne un peu comme si on avait bu un peu trop de champagne, puis ça passe et une fois dans l’avion, on est détendu du slip, j’vous raconte pas. Pas de stress, pas de mal au ventre… Tout roule ! Alors il parait que ce truc donne envie de faire pipi, donc j’avais quand même prévu une bouteille de lait vide en suivant les recommandations du CNES, mais finalement j’ai pu m’en passer. Oui, pour faire pipi dedans, car il n’y a pas de toilettes à bord. Et pourquoi une bouteille de lait ? Et bien d’abord c’est opaque donc c’est quand même moins louche à transporter quand c’est rempli… Et ensuite, ça a surtout l’avantage d’avoir un goulot un peu plus grand que les bouteilles d’eau. Ça évite d’en mettre à côté. Par contre, ne me demandez pas comment font les femmes… (Ah oui, j’oubliais… les femmes ne vont pas aux toilettes.)

Bref, la Scopolamine c’est le médoc des vols Zéro G… Mais pas seulement.. Je cite Wikipedia :

La scopolamine est un anticholinergique. Elle agit en se liant aux récepteurs muscariniques de l’acétylcholine dans le système nerveux central et périphérique empêchant ainsi l’action du neurotransmetteur. C’est un parasympathicolytique, comme l’atropine, mais en revanche c’est un sédatif central. Elle provoque en outre d’intenses hallucinations délirantes, de l’amnésie (amnésie lacunaire antérograde) et des pertes de conscience comme en provoque la consommation de datura, de jusquiame ou de mandragore. Elle est active à des doses de l’ordre du dixième de milligramme. À fortes doses, l’intoxication peut être mortelle.

Aux fortes doses, on observe souvent des séquelles psychiatriques plusieurs mois après l’intoxication. La scopolamine a été testée comme sérum de vérité pendant la Seconde Guerre mondiale.

Elle est utilisée sous le nom de « burundanga », notamment par des bandes d’escrocs en Colombie, pour dépouiller des victimes qui, sous son effet, perdent leur volonté et se laissent faire oubliant ensuite ce qui s’est passé.

La scopolamine est utilisée pour lutter contre la maladie de Parkinson. Actuellement, elle est utilisée dans le traitement symptomatique de certaines douleurs digestives et gynécologiques, en soins palliatifs ainsi que dans la prévention du mal des transports, par son action sur l’area postrema.

Vous l’aurez compris, il ne faut pas abuser des bonnes choses.

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Bref, je suis bien. Quelques photos avec les gens de Novespace, de l’ESA et du CNES pour la postérité, puis direction l’avion !

Ah !, cet avion est génial puisqu’il s’agit tout simplement d’un A300 reconditionné pour les vols sans gravité. À l’avant des sièges, au centre, une grande zone capitonnée de 200 m³ pour le free floating et les expériences, et à l’arrière, encore des sièges. Évidemment, nous sommes accompagnés par l’équipe à bord (en Orange) qui a pour but de veiller à notre sécurité. Pas de mini-jupe et de longues jambes comme dans les longs courriers ;-).

Cet avion a effectué son premier vol en juin 1973, puis a été racheté par Novespace qui en a fait un avion ZeroG en juin 1996. Il avait et a toujours très peu d’heures de vol au compteur, malgré son grand âge. Il est donc quasi neuf et passe en révision beaucoup plus souvent qu’un avion de ligne classique. Il peut embarquer jusqu’à 40 personnes et 15 expériences.

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À chaque vol, l’avion a besoin d’une autorisation spéciale pour aller faire ses acrobaties. Rassurez-vous, les paraboles ne se font pas au-dessus de nos têtes, mais au-dessus de la mer, en méditerranée ou au large de Bordeaux/Nantes/Brest, en fonction des vents et de la météo. S’il y a trop de vent, le vol risque d’être un peu secoué et la ZeroG, beaucoup moins zéro…

Le décollage se passe normalement… On peut se détacher assez rapidement, bien plus tôt que dans un long courrier, et je commence ma petite visite de l’appareil. Les expériences sont en place à l’avant de la zone capitonnée, et le reste des sections séparées par des filets est totalement libre pour qu’on puisse tous en profiter ! Ouh Yeah !

Soudain, le pilote annonce :

  • 1 minute… Là on sait que ça va pas tarder….
  • 30 secondes… Là on s’allonge sur le sol de l’avion… Le fait de s’allonger, quand on n’a pas l’habitude, c’est pour éviter de trop bouger et de trop ressentir l’écrasement dû aux g qu’on se prend sur la tronche.
  • 10 secondes… Adieu maman, papa, la vie, j’en aurai bien profiter, je vous aime tchao byebye…ouin.
  • 5, 4, 3, 2, 1… L’avion se cabre et là, BOUM, on se prend 1,8g… C’est-à-dire que je pèse 2 fois mon poids… Je sens mes yeux qui s’enfoncent dans leur orbite… Je sens mes intestins qui s’écrasent au fond de mon bidou et je suis plaqué au sol. On avait comme recommandation de ne pas bouger la tête pour ne pas avoir des vertiges et l’envie de vomir… Une sombre histoire de sang dans la tête. Mais finalement, je l’ai bougée un peu quand même pour discuter avec d’autres personnes autour de moi, et tout s’est bien passé. Check mes yeux et mon double menton qui tombent jusqu’à mes genoux avec 1,8g sur les épaules…

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  • 30 (degré) …. On passe de 1,8g à 1,5g… On pèse toujours lourd et je ne sens pas la différence entre les 2… Enfin si, mais j’imaginais que mon corps s’habituait, car je suis trop surhumain o/
  • 40 (degré) …. Je retiens mon souffle… Je sais que l’avion monte droit comme une flèche vers le ciel et que vu de dehors, ça doit faire flipper les mouettes.
  • INJECTION … Et quand le pilote a dit ça la première fois… Le gros kiff… Sans bouger, je décolle du sol, je me redresse… Et saute comme un con, comme je le ferai si j’étais sur Mars (0,38g). Il y a encore une microgravité, mais c’est déjà un truc de dingue à ressentir. Tout le monde bondit dans tous les sens et je pense aux astronautes sur la lune, et à tous ces films de SF que j’ai pu voir où les mecs font des grands bons au ralenti sans forcer. On rigole tous comme des fous… Allez savoir si c’est la scopolamine ou l’expérience de micro gravité qui nous rends tous euphoriques…
  • 20 (degré) … L’avion entame la phase descendante de sa parabole.
  • 30 (degré) … Alors là, il ne s’agit plus de déconner. Il faut se raccrocher à un truc, se remettre droit…
  • RESSOURCE … Et là, BAM, on repasse à 1,5g puis 1,8g. Autant dire que quand on est en ZeroG et qu’on flotte, tout le monde s’écrase comme des merdes au même moment 😉

Bref, j’en ai enchainé une 15aine comme ça… Et je dois dire que ça passe très vite puis qu’on ne reste en impesanteur que 22 secondes par parabole…

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Quand on flotte, on ne sait plus où est le haut ou le bas… et au final, le temps de prendre son pied en tournant dans tous les sens, tout en s’imaginant qu’on se trouve dans l’espace, en rigolant comme un …. et PAF, c’est déjà fini. J’ai bien tenté une expérience, qui était : « Jouer à Tétris en apesanteur » mais comme vous pourrez le voir dans la vidéo, ça se termine plutôt mal pour moi…

Oui, c’est difficile de contrôler ses mouvements quand on fait du free floating. Il suffit d’une pichenette contre une des parois de l’avion et on part comme une balle à l’autre bout… Mais quel kiff… J’ai quand même pris le temps de regarder par le hublot le temps d’une parabole et j’en ai même fait une dans le cockpit, et je dois dire qu’en plus de l’apesanteur, cette vision de l’avion qui pique à 45° (vers le haut puis vers le bas), ça m’a guéri définitivement de mon aérostress dont je vous parlais au début.

Je me sentais vraiment bien… J’aurai pu en faire mon job à l’année tellement j’avais l’impression d’avoir fait ça toute ma vie ^^. À l’atterrissage, une fois que c’était terminé, je vous avoue que j’avais quand même un peu les boules. Une expérience pareille, ça ne se vit qu’une fois dans sa vie (sauf si on est blindé ^^).

Pour conclure, j’aimerai vraiment remercier Séverine, Monique, Frédéric, le CNES et Novespace qui m’ont permis de vivre cette expérience unique (Si vous avez un plan pour l’ISS ou Mars, je suis preneur ;-)).

Bon, je vous laisse, faut que j’aille rayer ça de me liste des trucs à faire avant de mourir 😉


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