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De retour des Assises de la Sécurité 2019

Comme tous les ans, j’ai eu le plaisir cette année de me rendre à Monaco pour assister aux Assises de la Sécurité. Si vous ne connaissez pas encore, cet événement regroupe durant 3 jours de nombreux experts de la cybersécurité et un très grand nombre de sociétés venues présenter leurs solutions technologiques.

Lors de son discours d’introduction, Guillaume Poupard de l’ANSSI a abordé le thème de la « peur ». Dans la sécurité en général, secouer le spectre de la peur est très vendeur. Evidemment, les risques sont réels et les enjeux très élevés donc la peur ressentie est loin d’être imaginaire mais Guillaume Poupard souhaite que les experts en sécurité imaginent de nouveaux discours moins anxiogènes et plus positifs afin que le milieu de la cybersécurité ne s’ankylose pas.

Je comprends cette envie d’insuffler de la « positive attitude » dans la cybersécurité mais je sais aussi que l’humain est par définition un être qui aime rester la plupart du temps dans sa zone de confort et malheureusement, rien n’est plus efficace que de saupoudrer un peu de « peur » dans son cerveau pour qu’il adopte certaines mesures afin justement de rester dans cette zone.

C’est regrettable mais c’est comme ça. Donc je doute fortement que demain les sociétés abandonnent ce discours axé en partie la peur. La peur est partout… Dans la bouche de nos dirigeants, sur les réseaux sociaux, dans les médias, et dans le cerveau de ma voisine. La peur paralyse, hypnotise et fait vendre. Vous pouvez trouver cela triste mais c’est la nature humaine qui est ainsi faite.

Et même si j’adhère totalement au discours de Guillaume Poupard en faveur de l’adoption d’une mentalité et d’un discours « cybersécurité » plus positif tout en étant hyper conscient du monde réel, des risques et des enjeux (pas de bisounours ici, je vous rassure), j’ai du mal à voir comment ce souhait pourrait se réaliser tant le bénéfice « commercial » de la peur est fort.

Côté technique, l’ANSSI a adopté depuis un petit moment déjà l’open source et croit dur comme fer à l’ouverture et au partage du code. Et c’est à mon sens par là qu’il faut se diriger. Pour les libristes ou les lecteurs de Korben.info, ce n’est pas nouveau mais croyez moi, nombreux sont ceux qui croient encore qu’en fermant leur code, ils sont hors de portée des cybercriminels. Que ce soit avec Clip OS, OpenCTI, DFIR ORC ou encore Wookey…etc, l’ANSSI n’est pas en reste sur la publication et l’ouverture de ses codes sources. Et les sociétés, qu’elles soient cyber ou non devraient s’inspirer de cet exemple car cela permet de faire grimper le niveau de sécurité de tous ainsi que la qualité des outils.

Durant son discours, il a aussi abordé l’état actuel de la menace cyber dans le monde, en expliquant que nous étions quasiment en guerre. Des groupes de cybercriminels visiblement rattachés à des gouvernements se positionnent activement non pas uniquement pour espionner comme c’est d’ordinaire le cas, mais pour agir « militairement » le moment venu. Une véritable poudrière d’après Guillaume Poupard.

On peut voir dans cette analyse également un message de peur opposé à son discours « injectons de la positivité » et c’est vrai qu’il y a un peu de ça. Mais c’est aussi un discours lucide basé sur de l’observation (pas de bisounours ici, j’ai dit) qui malheureusement peut générer de la peur chez celui qui l’écoute.

Entre alerter avec conviction sur l’état réel de la menace et insuffler la peur, la différence est très subtile et je ne suis pas certain que nous arriverons tous à la saisir…

Je pense que pour essayer de réduire la peur, il va falloir éclaircir la menace, la rendre plus palpable, la désacraliser afin que chacun en ai conscience tout en gardant son sang froid et en travaillant dans le bon sens. Donc pour que les discours cyber deviennent un jour des discours « positifs » et moins « vendeurs de peur » (soyons utopiques 2 secondes, voulez-vous), il va falloir apprendre dès maintenant à regarder en face le risque cyber, à le considérer pour ce qu’il est réellement et à l’appréhender avec des solutions concrètes tout en éduquant et démystifiant le sujet pour tous les acteurs concernés, des experts aux dirigeants, en passant par les employés, mais aussi les particuliers.

Bref y’a du boulot !

Autrement, j’ai croisé pas mal de boites sympas et j’ai notamment pu discuter un peu avec Yubico qui fabrique la Yubikey. Ils en ont sorti des nouvelles depuis quelques mois compatibles avec du NFC mais aussi un connecteur Lightning. Je n’ai jamais pris le temps de tester cela mais je pense que je vais m’en procurer une et faire quelques tests. On verra si je trouve le temps.

J’ai assisté aussi à une conférence très intéressante sur le déploiement en entreprise d’une politique PasswordLess, c’est à dire d’authentification sans mot de passe. C’était très intéressant et je pense que c’est clairement l’avenir car les oublis, les réinitialisations ou le vol de mot de passe coûtent vraiment cher à beaucoup d’entreprises.

Et sur le côté plus « hack », j’ai participé à un atelier organisé par Kaspersky Lab qui nous a exposé les méthodologies de reconnaissance et d’attaque de Fin7, un APT ciblant pas mal de boites en Europe et en Amérique du Nord. C’est intellectuellement et techniquement passionnant de voir comment ces derniers procèdent et sont organisés. Au delà de la technique, ces groupes de cybercriminels créent de toutes pièces de fausses sociétés de cybersécurité avec un faux site, un faux nom de domaine, des fausses boites mails…etc pour poster de vraies annonces d’emploi et recruter des admins sys, des développeurs mais aussi des traducteurs, afin de les aider à développer leurs malwares, gérer leur infra C&C et même traduire les emails de phishing. Dingue !

Je me suis régalé, j’ai croisé beaucoup de personnes supers sympas, et revu quelques amis avec qui j’ai pris plaisir à discuter. C’était une très bonne édition ;-).


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