Aller au contenu
Korben, roi d’internet, logo bébé avec des lunettes en mode thug life

Objectif « pareil »

Le moins que l’on puisse dire avec le rapport Pierre Lescure, c’est que l’ancien président de Canal+ n’a pas chômé… Plus de 700 pages rédigées avec des tas d’idées très convenues, pour « sauver » la culture en France et éponger soi-disant, le téléchargement illégal. (Le rapport est disponible ici)

Je l’ai parcouru et j’ai lu les conneries (ou pas) des médias et voici ce que j’en ai retenu…

Concernant la taxe sur la copie privée, ça ne bouge pas. On paiera toujours des blindes sur les supports de stockage (disque dur, clé USB, DVD vierges…etc.), sauf que maintenant, Pierre Lescure propose aussi de taxer les appareils électroniques. Ordinateurs, téléphones, TV connectées, consoles de jeux ou encore tablettes… Tout y passe et ça semble logique puisque c’est avec ces appareils « connectés » que la France pirate en masse.

Évidemment, une fois encore, personne ne se pose la question de savoir si cette taxe s’appliquera aux gens qui ne téléchargent rien illégalement sur leur téléphone. Par exemple, moi sur mon téléphone, je n’ai aucun DivX, ni aucun MP3 à part peut être le MP3 de démo que Samsung a mis là pour qu’on puisse tester le son.

Est-ce que je devrais payer cette taxe si j’achète un téléphone ? Oui !

Est-ce que cela me donne le droit de télécharger des contenus sans les payer ? Non !

L’idée est donc une fois de plus de contrebalancer les prétendues pertes que subissent les artistes alors qu’il a été démontré encore récemment que 1/ ce sont ceux qui piratent le plus, qui achètent le plus et que 2/ ce n’est pas parce que quelqu’un pirate le dernier Renée La Taupe, qu’il l’aurait acheté.

On ne va pas refaire l’histoire, mais si les biens culturels se vendent moins, c’est parce que les canaux de distribution, les supports, la promotion et le bourrage de crâne du passé sont devenus totalement inadaptés à notre réalité numérique actuelle. Les rêves de millions et de star-system provoqué artificiellement par les majors grâce à des boucles en radio et de la pub à gogo sont terminés. Fini les rentiers de la culture. Maintenant, il faut sortir l’huile de coude et aller au turbin comme le reste de la planète. Et cela n’a absolument rien à voir avec le téléchargement illégal.

Cette taxe sur les appareils électroniques est d’ailleurs une preuve flagrante que Pierre Lescure n’a pas encore bien tout capté.

Mais passons…

Qu’a-t-il mentionné d’autre dans son rapport ?

La disparition d’HADOPI !

Naaaan, je déconne ! Il s’agit en réalité d’un tour de passe-passe qui consiste à refiler le bébé de la riposte graduée jusqu’à présent nourri au sein par maman Incompétence à papa Incompétence. Vous l’aurez compris, il veut faire absorber Hadopi par le CSA. Donc, oui, Hadopi, ce groupuscule de loleurs qui nous ont provoqué des barres de rire pendant plusieurs années disparait… Mais la riposte graduée, la machine inutile anti-pirates du gouvernement va perdurer sous l’aisselle velue du CSA.

Ça fait des années que le CSA ne rêve que d’une chose : Mettre son nez sur le NET pour contrôler la diffusion de tout ce qui est audiovisuel. Dicter ses codes à YouTube ou Dailymotion. Réguler la diffusion du sport, des clips, des films…etc. Ou encore taper sur les doigts des sites qui feraient de l’insertion de vidéo qui ne leur plairait pas…etc. Les sites web deviendront des chaines de TV et le CSA pourra faire sa loi.

Bref, imposer un mode de pensée et de filtrage franco-français à un média mondial et incontrôlable par essence. Boom !

De plus, l’arrivée de la riposte graduée au CSA ne changera pas grand-chose dans les faits… Enfin, si… Comme il n’y aura plus de coupure d’internet des Français « flashés », mais une amende, l’histoire n’aura plus besoin de passer devant le juge. Vous êtes chopé en train de DL, vous payez les 60 € d’amende et en plus, vous risquez toujours d’aller devant les tribunaux puisque le délit de contrefaçon persiste.

Bref, bienvenu sur les autoroutes de l’information avec radars automatiques. Plus de recours possibles puisque plus de juges. Pensez à bien protéger votre réseau WiFi, car sinon, vous devrez aussi payer pour négligence caractérisée..

Après pour le reste, ce sont plus ou moins les mêmes trucs qu’Hadopi et d’autres répétaient à longueur de journée.. À savoir facilité l’accessibilité au contenu, réduire les délais entre la sortie des films et leur mise à dispo en téléchargement légal…etc. Bref, des trucs qui dépendent uniquement du bon vouloir des ayants droit. Ah ah !

En ce qui me concerne, tant que je ne pourrai pas télécharger un bon vieux divx (acheté et non pas loué) pour le regarder sur l’appareil de mon choix, sans DRM, à un prix normal, comme je peux le faire pour la musique avec Amazon MP3 ou d’autres, l’offre légale vidéo ne sera pas adaptée à mon besoin. (Alors que l’offre légale musique l’est parfaitement pour moi)

Actuellement, d’après mon expérience personnelle, les offres légales de VOD, ce sont des DRM, des logiciels à télécharger, des plugins à installer, des incompatibilités avec Linux ou Mac, ou des coupures de connexion non-stop lors du visionnage…et j’en passe. Je n’ai pas encore été convaincu.

Donc, oui, après lecture de ce rapport, je peux vous dire que rien ne change ou presque. Tout est encore ééé sa place, comme avant. Les mauvaises langues diront que le rapport Lescure est un état des lieux fidèle au présent avec des verbes mis au futur. C’est presque ça.

Heureusement, la Quadrature du Net a réagi en mettant en ligne son propre rapport Lescure sans Lescure et cette fois avec 14 propositions un peu plus couillues et ancrées dans la réalité (Source).

Les voici :

  • Reconnaître le partage non marchand des œuvres numériques entre individus par l’épuisement des droits ;
  • La reconnaissance de la légitimité de la référence ;
  • Des exceptions solides et obligatoires pour les pratiques éducatives et de recherche ;
  • Une mise à disposition des œuvres orphelines par les bibliothèques, archives et le public sans frais pour les usagers et autorisant des usages larges ;
  • Liberté des usages collectifs non marchands ;
  • De nouveaux financements mutualisés pour un financement large (réparti sur de nombreux contributeurs et projets) de la culture numérique ;
  • Une législation imposant des termes équitables dans les contrats d’édition et de distribution ;
  • Une politique préventive de concurrence pour prévenir les monopoles de distribution et leurs abus ;
  • Réformer la gestion collective ;
  • Maîtriser la pollution publicitaire ;
  • Des normes effectives pour la neutralité du net et l’ouverture des appareils ;
  • Enregistrement obligatoire ou copyright 2.0 ;
  • Financements publics culturels et réforme fiscale ;
  • Un statut positif protégeant le domaine public et les communs volontaires.

Si vous souhaitez lire ce rapport citoyen, c’est par ici que ça se passe.

Reste à savoir maintenant dans quel rapport piochera Aurélie Filipetti, notre ministre de la culture pour améliorer les choses à la fois pour les artistes et les acheteurs. Si elle veut passer la seconde ou rester avec les ayants droit qui ont calé au milieu de l’autoroute…

On verra bien.


Les articles du moment