Tout savoir sur Libra, le projet crypto de Facebook
Comme je vous l’ai dit dans un de mes derniers éditos je me suis remis un peu aux cryptos et s’il y a bien un sujet qui revient en boucle dernièrement c’est le “Facebook Coin”. Je me suis dit que ça pouvait être sympa de faire un petit article récap sur le sujet, car il s’agit “peut-être” d’une étape importante pour l’adoption massive des cryptos par le grand public.
Cela fait plus d’un an que Facebook travaille sur ce dossier qui a été annoncé officiellement hier et devrait se concrétiser courant de l’année 2020. Lelivre blanc du projet a d’ailleurs été rendu public il y a quelques heures et la version française est ici.
Le projet est mené par David Marcus, ex-dirigeant de PayPal, et porte finalement le nom de code Facebook Coin, GlobalCoin, Libra. Sans doute pour nous rappeler ô combien Facebook nous rend libres au quotidien. Ou parce que Libra veut dire “balance” en latin ;-). Allez savoir.
Libra sera une “stablecoin” indexée sur plusieurs devises dont le dollar, l’euro, le yen et la livre sterling. C’est-à-dire qu’elle aura un prix stable dans le temps.
Imaginons que 1 Libra = 1 €, et bien pour chaque Libra qui sera créée, FB devra posséder son équivalent en monnaie fiduciaire. D’autres cryptos fonctionnent d’ailleurs déjà sur le même principe : Tether, TrueUSD, Dai, Paxos, … Donc si vous pensiez investir, hodl pendant quelques années et faire x10 avec votre argent, va falloir trouver autre chose sauf si vous habitez un pays avec une forte inflation ;)
Le projet est doté d’une association indépendante (La Libra Association) basée à Genève, et repose sur une technologie similaire à Ethereum (smart contract, gas, …) et le code est open source a été mis sous licence Apache 2.0.
Au niveau des autres bonnes surprises, notons aussi que les transactions seront pseudo-anonymes comme pour beaucoup d’autres cryptos (transactions, montants et adresses publiques …) et que Facebook ne détiendra que 1% en termes de pouvoir décisionnaire (j’y reviens plus loin).
L’Association Libra émettra également ses propres tokens de sûreté (STOs), appelés Libra Investment Token, comme moyen de couvrir notamment les coûts d’exploitation. Et si au départ Libra va reposer sur une blockchain où seuls les membres fondateurs auront accès au réseau, elle devrait migrer peu à peu vers un réseau sur lequel aucune des parties ne pourra modifier unilatéralement les règles du jeu.
Rien n’est jamais tout rose avec le géant américain, mais sur le coup je pense que beaucoup s’attendaient à pire et qu’il y a tout de même de bonnes initiatives. Ce gros projet est aussi un bon moyen pour eux de redorer leur image … au moins d’essayer.
L’intérêt principal de Libra est surtout “interne” à l’écosystème Facebook. La crypto vous permettra d’y acheter des services et des produits directement en 1 clic, sans passer par votre banque ou utiliser votre CB. Vu la puissance du réseau social, de nombreux gros partenariats sont déjà signés : Ebay, Iliad (Free), Uber, Lyft, Spotify, Visa, Mastercard, Booking, Paypal, Vodafone, Coinbase, … Sachant que la firme va proposer des “incentives” (une carotte quoi…) aux marques pour qu’elles utilisent son service, la liste devrait s’allonger rapidement.
On peut donc tout à fait imaginer payer son abonnement Spotify, son internet Free, ses achats sur Ebay et commander ses repas Uber Eats directement depuis son profil FB ou WhatsApp sans jamais sortir sa carte bancaire et sans que notre banque ne sache que nous faisons toutes ces choses hautement répréhensibles ;-) .
Les partenaires. Source The Block Crypto
Quant à toi petit utilisateur classique qui partage de temps à autre des vidéos de chatons et des photos de vacances, sache que tu pourras aussi participer à l’explosion du service. Vous recevrez en effet des “libras” pour certaines actions sur le réseau comme regarder une pub, faire du shopping …etc.
De quoi vous garder actif en vous tendant une carotte que vous réinjecterez ensuite dans le système pour achter probablement 95% de merdouilles inutiles.
Libra va donc notamment faciliter le transfert de valeurs. Facebook + Messenger + WhatsApp + Instagram & co c’est environs 2,5 milliards d’utilisateurs à travers le monde qui vont pouvoir s’échanger gratuitement de l’argent, sans frais de transactions et de manière instantanée. Une petite pensée tout de même pour les futurs disparus que seront Western Union & co :-(
Libra aidera également à lutter contre les dévaluations monétaires de certaines devises volatiles et offrira une alternative à ceux qui ne possèdent pas de compte en banque (plus d’un milliard de personnes quand même, c’est pas rien). Facebook prévoit d’ailleurs d’installer un peu partout dans le monde des sortes de distributeurs de billets qui permettront aux gens d’échanger leur argent papier en Libra Coin ou inversement.
Un wallet, nommé Calibra, sera développé dans les prochains mois pour vous permettre de gérer vos actifs et effectuer des transactions… si, bien sûr, vous acceptez le principe du classique Know Your Customer (KYC). Vous devrez donc prouver que vous êtes bien vous-même et les comptes fakes seront tenus à l’écart … à moins de passer par l’un des multiples wallets externes qui ne manqueront pas de faire leur apparition. Wink wink.
Le site est déjà en ligne et vous pouvez demander d’être parmi les premiers à tester.
Du coup où est l’arnaque ? Parce qu’on sait bien maintenant que Zucky et sa bande ne font jamais rien sans raison précise. Et bien une de ces raisons pourrait être d’obtenir encore plus d’informations sur vous afin de les revendre et de les exploiter.
La firme de Menlo Park en sait déjà beaucoup plus sur vous que ce que vous pensez, mais s’il y a un aspect qu’elle ne maitrise pas encore complètement ce sont vos habitudes d’achat. Des informations qui valent leur pesant de cacahuètes en terme publicitaire, marketing, etc. (demandez à Amazon) … ou qui rendraient plus simple le calcul d’un éventuel score social comme cela existe déjà en Chine. L’horreur.
Là où le réseau social a été malin, c’est dans la forme des partenariats (cités plus haut). En fait chaque société signe un chèque de 10 millions de $ (en équivalent Libra Investment Token), et se prépare aux 280.000$ de coût d’entretien annuel, pour posséder un nœud de la future blockchain. Du coup elles auront accès aux données qui transiteront dessus. Il y aura au total 100 nœuds dont 1 seul détenu directement par FB via Calibra. Et ce milliard de $ (100*10 millions) va permettre à Facebook d’avoir un financement collatéral pour ses Libra Coins. De plus pour toute décision de l’association, chacune des 100 sociétés détenant un nœud aura un poids égal de 1%.
Ce qui est pour l’instant encore difficile à imaginer c’est la puissance du truc. C’est susceptible de modifier l’économie mondiale telle que nous la connaissons aujourd’hui, ne serait-ce que par le boost que cela va générer en termes d’adoption massive des cryptos par le quidam. Libra deviendrait du jour au lendemain la plus grosse monnaie au monde non détenue par un État ou un gouvernement. Enfin sous l’égide des États-Unis quand même, faut pas pousser mémé dans les hosties.
Concrètement Facebook n’en saurait pas plus que votre banque actuelle concernant vos achats … mais il va pouvoir croiser ces infos avec vos données personnelles déjà récoltées sur ses différents outils. Cela ira probablement à l’encontre du RGPD, mais on ne va pas chipoter pour si peu. Toutefois, il faudra peut-être à un moment vous poser la question de savoir auquel des 2 types d’organisations vous accordez le plus votre confiance. Les gouvernements / banques ou Facebook ?
Maintenant que l’on sait un peu mieux de quoi il retourne sur le papier, attendons de voir si le plan sera respecté. Facebook admet lui-même que le lancement d’un tel projet pourrait se heurter à de nombreux obstacles économiques, techniques et liés aux gouvernements.
En même temps vu lecomportement irréprochable de Mark et ses sbires concernant le respect de la vie privée des utilisateurs, il serait étonnant qu’ils rencontrent des problèmes (je sais l’article est long, mais ce n’est pas une raison pour ne pas voir le sarcasme de ma dernière phrase).